Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4180

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 453-454).

4180. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
11 juillet.

Mon divin ange, mettez Diderot de l’Académie ; c’est le plus beau coup que l’on puisse faire dans la partie que la raison joue contre le fanatisme et la sottise. Je vous promets de venir donner ma voix. Je vous embrasserai, et je repartirai pour ma douce retraite après avoir signalé mon zèle en faveur de la bonne cause. J’ai les passions vives. Je me meurs d’envie de vous revoir, et je ne peux trouver un plus beau prétexte que celui de venir donner ma voix à Socrate, et des soufflets à Anitus.

Il me semble que Diderot doit compter sur la pluralité des suffrages ; et si, après son élection, les Anitus et les Alélitus font quelques démarches contre lui auprès du roi, il sera très-aisé à Socrate de détruire leurs batteries en désavouant ce qu’on lui impute, et en protestant qu’il est aussi bon chrétien que moi.

M. le duc de Choiseul dit que vous ne l’aimez plus ; vous l’avez donc bien grondé. Imposez-lui pour pénitence de faire entrer Diderot à l’Académie. Il faudrait qu’il daignât en être lui-même, et introduire Diderot : ce serait Périclès qui mènerait Socrate.

Il me reste encore un Russe ; je vous l’envoie. Mais pourquoi n’imprime-t-on pas à Paris ces choses honnêtes, tandis qu’on imprime des Fréronades et des Pompignades ?

Voulez-vous avoir la bonté de donner l’incluse[1] à l’ambassadeur de Francfort ? Il est ambassadeur d’une fichue ville. Je le barrerai dans ses négociations, mais ce ne sera pas dans celle de faire recevoir Diderot chez les Quarante.

  1. La lettre suivante à Damilaville, que Voltaire avait adressée à Grimm.