Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4135

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 398-399).

4135. — À M. THIERIOT.
À Tournay, et non à Tornet[1], 26 mai.

Je n’ai pas un moment ; la poste part. Je reçois la bêtise[2] qu’on a jouée à Paris, j’en lis deux pages, je m’ennuie, et je vous écris.

Vous m’envoyez, mon ancien ami, d’autres bêtises qui ne sont pas de Resseguier, mais de Lefranc et de Fréron ; et moi, je vous envoie des Que qui m’ont paru plaisants. J’avais déjà retiré ma guenille tragique quand Clairon est tombée malade ; j’ai déclaré que je ne voulais rien donner à un théâtre où l’on a joué la raison et mes amis.

Il m’est d’ailleurs très-égal qu’on joue des pièces de moi, ou qu’on n’en joue pas ; je n’attends nulle gloire de ces performances[3]. L’intérêt n’y a point de part, puisque je donne le profit aux comédiens ; MM. d’Argental font ce qu’ils veulent pour s’amuser. D’ailleurs, je me f… de tout bon ou mauvais succès, et de toutes les sottises de Paris, et des réquisitoires, et de maître Abraham Chaumeix, et des Fréron, et des Lefranc, et de tutti quanti. Il faut ne songer qu’à vivre gaiement ; c’est à quoi j’ai visé et réussi.


Excepto quod non simul essem, cætera lætus[4].

Envoyez-moi donc les Quand, les Si, les Pourquoi, qu’on dit imprimés en couleur de rose[5] ; les Oui, et les Non.

  1. Dans un pamphlet, dont nous avons donné le titre tome XXIV, page 111, Voltaire était appelé comte de Tornet. Voilà sans doute pourquoi il emploie ici ce mot.
  2. La comédie des Philosophes.
  3. Mot anglais qui signifie ouvrages.
  4. Hor.., lib. I, ep. x, v. 50.
  5. La sixième édition des Quand, augmentée des Si et des Pourquoi, est en effet imprimée en rouge. Les Si ne sont pas de Voltaire, mais de Morellet. (B.)