Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4111
Ô ange ! je mets tout sous vos ailes, tout retombera sur vous. Le nœud est bien mince ; Ramire est bien peu de chose. Madame, je suis son mari[1] ; eh ! Nicodème, que ne le disais-tu plus tôt ?
M. le duc de Choiseul semble avoir senti cela comme je le sens ; il m’a écrit une lettre charmante. Mon divin ange, il paraît qu’il vous aime comme vous méritez d’être aimé. Dites-moi, en conscience, aurons-nous la paix ? Vous la voulez ; mais veut-on vous la donner ? est-ce tout de bon ? J’ai plus besoin de la paix que des sifflets. J’aime mieux les Chevalier[2] que Ramire. Il n’y a que deux coups de rabot à donner aux Chevaliers, mais il manque à tout cela un peu de force. Je baisse, je baisse, je fonds ; j’ai acquis de la gaieté, et j’ai perdu du robuste.
Vous vous moquez de moi ; on peut faire quelque chose de Hurtaud. Ce petit drôle-là n’a mis que quinze jours à son œuvre.
Nous allons jouer sur notre théâtre de Ferney, mais je ne peux plus même faire les pères ; j’ai cédé mes rôles ; je suis spectateur bénévole.
Mon cher ange, je deviens bien vieux ; j’ai, je crois, cinq ou six ans plus que vous[3].
Le temps va d’un tel pas qu’on a peine à le suivre.
Je voudrais bien savoir si le chevalier d’Aidie, autre philosophe campagnard de mon âge, est à Paris, comme on me l’a mandé ; serait-il assez lâche pour se démentir à ce point ? au moins je me flatte que c’est pour peu de temps. Vous avez dû recevoir vingt pages[4] de moi l’ordinaire dernier, et je vous écris encore. Les gens qui aiment sont insupportables.
- ↑ Parodie de ce que Ramire dit à Zulime, dans la tragédie qui porte ce titre, acte V, scène iii, v. 61.
- ↑ Tancrède.
- ↑ D’Argental était né le 20 décembre 1700.
- ↑ La lettre 4109. avec les corrections pour Zulime.