Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4096

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 354-355).

4096. — À M. LE COMTE DE LORENZI[1].
Au château de Tournay, 15 avril.

J’ai reçu, monsieur, la lettre et les patentes de botaniste dont vous m’honorez, dans le temps où j’ai le plus besoin de simples. Je ne suis pas jeune, et je suis très-malade. Si je peux trouver quelque herbe qui rajeunisse, je ne manquerai pas de l’envoyer à votre Académie. J’ai toujours été fâché qu’il y eût sur la terre tant de plantes qui fissent du mal, et si peu de salutaires ; la nature nous a donné beaucoup de poisons, et pas un spécifique. C’est dommage que nous ayons perdu le bel ouvrage de Salomon qui traitait de toutes les plantes, depuis le cèdre jusqu’à l’hysope ; c’était sans doute un très-bel ouvrage, puisqu’il était composé par un roi. Il était apparemment le premier médecin de ses sept cents femmes et de ses trois cents concubines. Je ne sais si vous avez vu les hérésies du Salomon du Nord ; il va plus loin que son devancier, lequel ne sait pas s’il reste quelque chose de l’homme après sa mort. Pour celui-ci, il est sûr de son fait, et il croit que ses soldats tuent si bien leur monde qu’il n’en reste rien du tout. J’attends le Peut-être de Rabelais[2] le plus doucement que je peux.

  1. Le comte de Lorenzi, frère du chevalier de Lorenzi avec lequel J.-J. Rousseau fut en correspondance, était né à Florence ; et, de 1734 à 1765, époque de sa mort, il y remplit les fonctions de chargé des affaires du roi de France en Toscane. Lorenzi était membre de l’Académie de botanique de sa ville natale. (Cl.)
  2. Voyez tome XXVI, page 475.