Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4019

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 273-274).

4019. — À M. BERTRAND.
7 janvier.

Je vous souhaite une vie tolérable, mon cher philosophe, car pour une vie heureuse et remplie de plaisirs, cela est trop fort après tout ce qui arrive aux annuités, actions et billets de la Compagnie des Indes. Tout périt ; je laisse là mes bâtiments, et mea me virtute involvo[1].

On a imprimé mes lettres[2] que M. de Haller avait fait courir. Il a oublié apparemment cet article dans les principes de l’irritation[3] : Magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes. Je ne conçois pas comment vos magis magni clerici peuvent accorder des lettres de naturalité à un voleur[4] avéré. Il me semble que la vertu de la république de Berne devait être inflexible.

À propos de vertu, mes tendres respects à M. et Mme de Freudenreich.

Ce n’est pas une affaire de vertu que trois éditions faites en Angleterre de la Vie[5] de Mme de Pompadour. La moitié de l’ouvrage est un tissu de calomnies ; mais ce qu’il y a de vrai fera passer ce qu’il y a de faux à la postérité.

Adieu : je lève les épaules quand on me parle du meilleur des mondes possibles. Je vous embrasse de tout mon cœur. V.

  1. Horace, livre III, ode xxix, vers 54-55.
  2. La lettre de Voltaire à Haller (n° 3779) et la réponse de Haller (n° 3782) avaient été imprimées à la suite d’une édition encadrée du Précis de l’Ecclésiaste et du Cantique des cantiques, Liège, 1759. in-8o, avec un portrait de Voltaire sur le frontispice.
  3. Voltaire équivoque sur la célèbre théorie de l’irritabilité due à Haller.
  4. Fr. Grasset. Les lettres de naturalité ne lui furent pas accordées ; voyez la lettre 4030.
  5. La Vie de la marquise de Pompadour avait paru, en anglais, à Londres, en deux volumes in-16. Cette Vie, qui eut quatre éditions, fut traduite en français par P.-Ant. de La Place.