Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 4000

Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 258-259).

4000. — À M. BERTRAND.
12 décembre.

De quoi vous avisez-vous, mon cher ami, de donner sitôt de l’argent[1] à Panchaud ? Il n’en a pas probablement tant de besoin que vous ; c’était à lui d’attendre votre commodité. Vous êtes bien heureux de n’avoir pas votre bien à Leipsick ; le roi de Prusse vient encore de lui extorquer 300,000 écus. Tout ce qu’on voit, à droite et à gauche, fait aimer et estimer ce pays-ci, surtout si le sage gouvernement de Berne ne donne pas des lettres de naturalité à ce fripon de Grasset. Je crois qu’il faudra faire paraître à la fois les deux volumes de l’Histoire de Pierre le Grand, le plus sage et le plus grand des sauvages, qui a civilisé une grande partie de l’hémisphère, et qui, en se laissant battre neuf années de suite, apprit à battre l’ennemi le plus intrépide. Ce qui se passe aujourd’hui est juste le revers de Pierre ; on a commencé par des victoires, on finira par le plus affreux revers. On m’écrivait le 17 novembre : Je vous en dirai davantage de Dresde, où je serai dans huit jours.

Vous voyez ce qui est arrivé le troisième jour. Pour la France, il n’y a rien à en dire. Il n’y a qu’à n’avoir point d’argent chez elle.

Mille tendres respects à M. et à Mme de Freudenreich. Voilà des gens sages et aimables ; je leur suis attaché pour ma vie.

Je vois, par mes archives, qu’un seigneur de leur nom a possédé ma terre de Fernex, au xvie siècle. Cela me rend tout glorieux.

Bonsoir, mon cher ami ; je vous embrasse tendrement de tout mon cœur.

  1. Voltaire, un an auparavant, avait prêté cinquante louis à Bertrand.