Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3944

Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 189-190).

3944. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[1].
Aux Délices, 12 octobre.

Plus je vieillis, monsieur, et plus je sens le prix de vos bontés. Votre bon vin me devient bien nécessaire. Je donne d’assez bon vin de Beaujolais à mes convives de Genève, mais je bois en cachette le vin de Bourgogne[2]. Je passe mon hiver à Lausanne, où j’userai du même régime. Je voudrais bien séparer en deux vos bienfaits, moitié pour Lausanne et moitié pour Genève. Ne pourriez-vous pas à votre loisir m’envoyer, ou deux petites pièces à mon commissionnaire de Nyon, ou des paniers de bouteilles. Comme je ne suis pas absolument pressé, vous aurez tout le temps de vous déterminer. Mon commissionnaire de Nyon s’appelle Mme Scanavin, ce qui originairement voulait dire sac à vin. Quant à mon expérience de physique, d’avoir de belles vignes dans mon vilain terrain, je fais arracher actuellement mes ceps hérétiques pour recevoir vos catholiques. Vous savez que ce n’est qu’un essai et un amusement. Je vous remercie, monsieur, de daigner vous y prêter. Tout ce que je souhaite, c’est que vous veniez quelque jour boire du vin que vous aurez fait naître dans ma petite retraite.

Ma nièce et moi, nous présentons nos respects à Mme Le Bault, et j’ai l’honneur d’être avec les mêmes sentiments, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

  1. Éditeur, de Mandat-Grancey. — Lettre en entier de la main de Voltaire.
  2. Note qui paraît être de la main de M. Le Bault : « Il y aurait bien à corriger dans cette lettre, mais j’aime assez qu’il boive en cachette d’autre vin que ses convives : cela est d’un vilain. Les Genevois n’en seraient guère contents s’ils le savaient. »