Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3811

Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 65-66).

3811. — À M. LE BARON DE HALLER[1].
22 mars.

Vous croyez avoir raison, et moi aussi : c’est ainsi qu’on est fait ; mais comme je sais mieux que vous ce qui se passe dans mon âme, et c’est la seule chose que je sais mieux que vous, je vous proteste, je vous jure, que je n’ai pas été un instant altéré de toutes ces misères de prêtraille et de typographie dont il a été question ; je suis venu à bout de ce que je voulais : c’est à ceux qui se sont attiré cette mortification à être aussi sages qu’ils sont ennuyeux… Je vous crois philosophe, et j’imagine que je le suis en étant parfaitement libre et m’étant rendu aussi heureux qu’on puisse l’être sur la terre. Il ne manque à mon bonheur que de pouvoir vous rencontrer et vous témoigner mes sentiments. J’aurais eu beaucoup plus de plaisir à vous entretenir de physique, et à m’entretenir avec vous, qu’à vous parler de toutes ces pauvretés. Vous devez les mépriser autant que je les dédaigne. Je vous souhaite autant de plaisir dans votre terre que j’en ai dans les miennes, et me flatte qu’un homme qui a autant d’estime pour vous que j’en ai doit avoir quelque part à vos bontés, le tout sans cérémonie.

  1. Biographie d’Albert de Haller (seconde édition). Paris, Delay, 1845. — Desnoiresterres, Voltaire aux Délices.