Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3785

Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 41-42).

3785. — À M. DE BRENLES.
À Tournay, 20 février.

Les jésuites font donc pis que Grasset, mon cher ami ; ils assassinent donc le roi[1] qu’ils ont confessé ! Que ne les jugez-vous, monsieur l’assesseur baillival ! Que ne sont-ils tous au tribunal de la rue de Bourgs[2] ! « Voilà qui est fait, disait un vieux galant, à propos de la Brinvilliers ; si les dames se mettent à empoisonner, je n’aurai plus d’estime pour elles. » Je n’en ai plus pour Grasset, ni même pour Watteville[3], et, entre nous, je ne conçois guère comment Darnay s’est associé avec le valet des Cramer décrété de prise de corps pour avoir volé ses maîtres. On me paraît très-indigné à Berne contre cette manœuvre. Grasset demandait à être naturalisé, et a été refusé. Darnay demandait de l’argent, et n’en a point eu. Je sens au reste, mon cher philosophe, combien ce libelle est méprisable ; mais n’est-il pas utile de faire sentir aux prêtres qu’il ne leur est pas plus permis de farcir des libelles de leurs ordures que d’assassiner leurs pénitents ? Et n’est-il pas convenable que votre ami fait Suisse par vous ne soit pas outragé dans votre ville ? Mille respects à la philosophe.

  1. De Portugal.
  2. Une des rues de Lausanne.
  3. Sans doute Alexandre-Louis de Watteville, écrivain, né à Berne en 1714.