Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3236

Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 110-111).
3236. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, 14 septembre 1756.

Madame, voilà une de ces occasions où il aurait fallu, à la tête de l’électorat de Saxe, quelque héros de la branche aînée, qui eût la grandeur de vos sentiments et la sagesse de votre esprit. Je me flatte, au moins, que si la guerre s’allume, l’heureuse tranquillité dont jouissent les États de Votre Altesse sérénissime ne sera point troublée. Qui sait à présent, madame, sur quelle tête cet orage crèvera ? Je suis comme les Russes qui, lorsqu’on leur demande si leur autocratrice ira à la promenade, répondent : « Il n’y a que Dieu et saint Nicolas qui le sachent. » On a déjà donné les ordres, en France, pour assembler environ vingt mille hommes auprès de Metz. Mais c’est une démarche prudente, qui n’annonce pas encore l’effusion du sang humain.

Quelque chose qui arrive, il est probable que nous autres, bons Suisses, nous serons toujours tranquilles. Tout indifférents que nous paraissons, nous sommes curieux, et nous attendons le dénoûment avec impatience. Mais, parmi tant d’agitations, mes vœux les plus ardents sont pour la prospérité de Votre Altesse sérénissime et de son auguste famille. Je me flatte qu’elle jouit d’une santé parfaite ; je la souhaite à la grande maîtresse des cœurs, et je me mets à vos pieds, madame, avec le plus profond respect et l’attachement le plus inviolable.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.