Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3221
Pourquoi donc cet honnête homme de La Beaumelle est-il à la Bastille ? Il avait fait un si beau livre, et Mme Geoffrin le prônait tant !
J’ai entre les mains les Annales politiques de l’abbé de Saint-Pierre ; c’est un fou sérieux, qui traite Louis XIV de grand enfant. Je crois que je trouverai dans ce manuscrit beaucoup plus à réfuter qu’à imiter. Il est probable qu’il sera bientôt imprimé.
Si vous voyez Lambert, mon ancien ami, je vous prie de lui dire que la tête lui tourne de réimprimer la détestable rapsodie de la prétendue Histoire universelle qu’on a donnée sous mon nom, et ce recueil encore plus mauvais de la Guerre de 1741.
Il prend bien mal son temps encore de réimprimer l’Histoire du Siècle de Louis XIV, lorsque je l’ai augmentée d’un grand tiers. Il doit, pour son intérêt et pour son honneur, attendre que l’édition des Cramer, qui va depuis Charlemagne jusqu’à 1756, ait paru. Faites-lui entendre raison, si vous pouvez, je vous en conjure.
Nous avons ici d’Alembert et Patu ; ce sont deux mérites différents. Patu va gagner ses pardons à Rome ; si vous voulez en faire autant, passez par Genève. Je vous rendrai bientôt M. d’Alembert ; c’est un des meilleurs philosophes de l’Europe, et, qui plus est, un des plus aimables.
J’avais déjà le projet du Glossaire ; ce sera un livre nécessaire pour l’intelligence des auteurs français du moyen âge : je ne doute pas que M. de Sainte-Palaye ne trouve de grands secours dans les langues du Nord ; on ne saurait s’en passer pour tous les vieux mots qui ne sont pas dérivés du latin.
Imprime-t-on ce drôle de corps de Cosnac, évêque de Valence ?
On parle d’une tragédie nouvelle : mais vous n’êtes pas de ce tripot. Une vraie tragédie se joue à Stockholm, et il s’en prépare ailleurs. Tu, Tityre, lentus in umbra, et moi aussi. Je vous embrasse de tout mon cœur. Mes respects à Mme La Popelinière. Quid novi ? Vale.
- ↑ Éditeurs, de Cayrol et François.