Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3120

Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 551-552).

3120. — À MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH[1].
À Monrion, près de Lausanne, 17 février 1756.

Madame, vous êtes de ces divinités qui ne sont faites que pour répandre des grâces. On dit de Dieu qu’il ne fait point le mal, mais qu’il le permet. Mme la princesse de Nassau-Sarrebruck a envoyé à Paris certain ouvrage sur la religion naturelle, et je peux jurer à Votre Altesse royale que je n’en avais jamais donné de copie qu’à vous seule. Le roi votre frère ne s’est jamais dessaisi de l’original. C’était un poëme très-informe. Je l’ai beaucoup corrigé depuis, et voici comme il commence :

Souveraine sans faste et femme sans faiblesse,
Vous dont la raison mâle et la ferme sagesse
Sont pour moi des attraits plus chers, plus précieux,
Que ces feux séduisants qui partent de vos yeux.
Digne ouvrage d’un Dieu, connaissons notre maître, etc.


Après ce petit début, Votre Altesse royale ne peut manquer de prendre le sermon et le prédicateur sous sa protection. Le roi votre frêre ajoute à sa gloire, qui semblait ne pouvoir plus croître. Il fait des traités qui valent mieux que des victoires. Il écarte les étrangers de sa patrie. Il affermit le trône des autres, et il assure le sien. Ce n’est pas tout, il m’envoie ma Mérope tournée par lui en opéra. Tout cela est beau, mais il lui manque de m’aimer.

Que Votre Altesse royale daigne s’amuser d’un autre sermon que j’ai l’honneur de lui envoyer. Qu’elle juge entre Pope et moi. Je souhaite que tout soit bien à jamais pour elle. Je me mets aux pieds de monseigneur et aux vôtres avec le plus profond respect et le zèle éternel de

Frère Voltaire.

  1. Revue française, mars 1866 ; tome XIII, page 355.