Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2988

Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 438-439).

2988. — À M. LE COMTE D’ARGENSON.
ministre de la guerre.
Aux Délices, 20 août.

Il m’est impossible, monseigneur, de vous envoyer votre contre-seing. Celui qui en a si étrangement[1] abusé est à Marseille. C’est un intrigant fort dangereux. Ce Grasset m’a montré des contre-seings chancelier[2] et Berryer avec les vôtres. Il écrit souvent à M. Berryer, qui est fort poli, car il signe un grand : Votre très-humble à ce valet de libraire. On dit qu’il fait imprimer des horreurs à Marseille. J’oubliais de vous dire qu’il est réfugié, et qu’il est de moitié avec un capucin défroqué, auteur du Testament politique du cardinal Albéroni. Ce capucin, appelé ici Maubert, est à Genève, avec des Anglais, et il outrage impunément, dans ses livres, le roi, le ministère, et la nation. Voilà de bons citoyens dans ce siècle philosophe et calculateur.

Le prince de Wurtemberg avait auprès de lui un philosophe de cette espèce, qu’il me vantait fort, et qu’il mettait au-dessus de Platon ; ce sage[3] a fini par lui voler sa vaisselle d’argent.

Je ne vis plus qu’avec des Chinois. Mme Denis, du fond de la Tartarie, vous présente ses respects, et moi les miens. Je vous serai bien tendrement attaché tant que je vivrai. V.

  1. Étrangement dans l’édition des Mémoires du marquis d’Argenson, P. Jannet, 1858 ; indignement dans Beuchot.
  2. C’est-à-dire des contre-seings de Guillaume de Lamoignon, chancelier de France de 1750 à 1763, père de Malesherbes, à la famille duquel était allié Berryer.
  3. Nommé d’Han…, dans la lettre 2912.