Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2973

Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 426-427).

2973. — À M. POLIER DE BOTTENS.
Aux Délices, 5 août.

J’ose attendre de votre amitié, mon cher monsieur, que vous voudrez bien me mettre au fait de la manœuvre du sieur Maubert, et que vous entrerez dans la juste indignation où je suis contre ceux qui ont apporté ici le plat et abominable ouvrage que Grasset m’a voulu vendre cinquante louis d’or. Quel échantillon affreux il m’en préscnta ! cela fait frémir l’honneur et le bon sens. Quel monstre insensé et imbécile a pu fabriquer des horreurs pareilles ? Et comment ai-je pu me dispenser de déférer a la justice ce scandaleux avorton ? Le conseil a fait tout ce que j’ai demandé à ma réquisition, et contre les distributeurs et contre la feuille qu’ils étalaient pour vendre le reste de l’ouvrage. Grasset, au sortir de prison, a été admonété vertement, et conseillé de vider la ville. Il est regardé ici comme un voleur public ; mais, encore une fois, comment peut-il être lié avec Maubert ? et comment Maubert a-t-il avoué que c’est lui qui avait donné la feuille à Grasset ? Il y a là dedans un tissu d’horreurs et d’iniquités dont le fond était le dessein d’escamoter cinquante louis d’or. Je suis obligé de poursuivre cette affaire ; mais, n’ayant nulles lumières, il faut que je l’abandonne. Cela, joint aux maladies qui m’accablent, exerce un peu la patience ; mais, si votre amitié me console, je me croirai heureux. Je vous embrasse tendrement, et je voudrais bien vous embrasser à Monrion. J’espère vous y renouveler mon tendre attachement au mois de septembre. V.