Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2969

Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 423).

2969. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
3 août.

Oui, vraiment, vous seriez un beau Gengis, et nous n’en aurons point comme vous. Je vous sais bien bon gré d’être du métier, mon très-aimable marquis. Le travail console. Il paraît, par votre lettre à ma nièce, que vous avez besoin d’être consolé comme un autre. C’est un sort bien commun. On souffre même à Neuilly, même aux Délices. Qui croirait qu’à mon âge une Pucelle fît mon malheur, et me persécutât au bout de trente ans ? L’ouvrage court partout, accompagné de toutes les bêtises, de toutes les horreurs, que de sots méchants ont pu imaginer, de vers abominables contre tous mes amis, à commencer par M. le maréchal de Richelieu, J’ai bien fait de ne songer qu’à des Chinois ; vos Français sont trop méchants, et, sans vous et sans M. d’Argental, ces Chinois ne seraient pas pour Paris. Je bénis ma retraite, je vous regrette, et je vous aime de tout mon cœur.