Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2883

Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 348-349).

2883. — À M. DE BRENLES.
À Prangins, 18 février.

Voici, mon cher monsieur, ce tome troisième dont vous me faites l’honneur de me parler ; je vous envoie un exemplaire tel qu’il a été imprimé. J’y joins un autre exemplaire tel, à peu près, qu’il paraîtra dans l’édition complète de l’Histoire générale. Je vous prie de donner à M. Polier le volume relié, et de garder l’autre comme un manuscrit et une esquisse que mon amitié vous présente. Je mets dans le paquet une traduction de quelques poésies de M. Haller[1], que M. Polier avait bien voulu me prêter ; pardonnez-moi cette liberté.

Croyez-moi donc à la fin, monsieur, et soyez très-sûr que, si le goût d’une Parisienne m’a fait acquérir la jolie maison et le beau jardin des Délices, et si ma mauvaise santé me rapproche de Genève pour être à portée du docteur Tronchin, je prends Monrion uniquement pour me rapprocher de vous. Monrion sera le séjour de la simplicité, de la philosophie et de l’amitié.

L’acquisition auprès de Genève coûte très-cher ; le tout me reviendra à cent mille francs de France avant que je puisse en jouir à mon aise. Je serai logé là aussi bien qu’un grand négociant de Genève, et je serai à Monrion comme un philosophe de Lausanne. Je vous jure encore une fois que je n’y vais que pour vous, et pour le petit nombre de personnes qui pensent comme vous. Si Mme Goll avait pu quitter Colmar assez tôt, j’aurais pris le domaine, et elle y aurait trouvé l’utile et l’agréable ; mais je me contenterai de la maison et des dépendances, et je regarde la chose comme faite. Ma détestable santé est le seul obstacle qui m’empêche de venir signer, sous vos yeux, un marché que vous seul m’avez fait faire. Nous présentons, ma nièce et moi, nos obéissances très-humbles à Mme de Brenles. V.

  1. Voyez les lettres des 13 et 17 février 1759.