Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2611

Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 86-87).

2611. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE[1].
À Francfort, 29 juin.

Sire, dans la crainte où nous devons être que nos plaintes n’aient été interceptées par les sieurs Freytag et Schmith, pardonnez-nous si nous nous jetons aux pieds de Votre Majesté. Elle sait sans doute avec quelle violence horrible une femme innocente a été traitée ; mais elle ignore peut-être quel piège ou nous avait tendu.

Le sieur Freytag écrivit le 18 au sieur de Voltaire :

« Les ordres favorables du roi sont la suite du rapport du 5 de ce mois, où je ne pouvais assez louer, ni assez admirer votre résignation à la volonté du roi, votre obéissance et vos protestations sincères de fidélité, etc. »

Nous avons envoyé cette lettre au sieur Fredersdorff, correspondant de Schmith.

Sire, nous n’avons certainement manqué à rien, nous nous sommes reposés sur l’assurance donnée en votre nom par le sieur Freytag que nous pouvions partir.

On nous fait espérer, dans la prison où la dame Denis garde à présent le sieur de Voltaire, que le magistrat rendra un compte fidèle à Votre Majesté.

Nous sommes deux étrangers qui n’avons ici de protection que votre équité et votre miséricorde. Tout Francfort sait que la violence qu’on nous a faite n’a eu pour but que de nous extorquer 128 écus par jour. Votre Majesté peut s’informer si les mêmes personnes n’ont pas déjà plusieurs fois commis à Francfort des choses aussi dures. Mais ce n’est pas là l’objet de nos plaintes. Nous conjurons Votre Majesté de daigner empêcher qu’on abuse davantage de son nom sacré pour persécuter deux étrangers, dont l’un est attaqué d’une maladie mortelle, et qui attendent leur sûreté de votre pitié, qu’ils implorent avec la soumission la plus entière et le plus profond respect.

  1. Éditeur, Th. Foisset.