Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2537

Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 9-10).

2537. — À M. LE CHEVALIER DE LA TOUCHE[1].
Potsdam, 25 (mars).

Je suis destiné, monsieur, à faire tout le contraire de ce que je voudrais. Je pars sans vous faire ma cour. Pénétré des bontés et des bienfaits du roi, et affligé de ne pas prendre congé de vous dans votre maison, permettez-moi de faire mes compliments à ceux qui ont le bonheur d’y être. Oserais-je vous prier, monsieur, de vouloir bien me mettre aux pieds des reines[2], de Mme la princesse Amélie[3] et de monseigneur le prince de Prusse[4]. Monseigneur le prince Henri[5] m’a témoigné ici beaucoup de bienveillance. Je me flatte que son auguste famille me conservera les mêmes bontés quand mes profonds respects lui seront présentés par vous.

Adieu, monsieur, vous augmentez bien mes regrets. Comptez que V. vous sera attaché toute sa vie.

  1. Éditeur, Th. Foisset.
  2. La reine-mère, Sophie-Dorothée de Hanovre, sœur de Georges II, roi d’Angleterre, et la reine régnante. Elisabeth de Brunswick. Frédéric, qui était l’idole de sa mère, ne s’asseyait jamais en sa présence. Mais, écrivait le chevalier de La Touche, l’univers est instruit de son mépris pour la reine, son épouse, qu’il laisse manquer presque du nécessaire. (Th. F.)
  3. Sœur de Frédéric, femme hardie, entreprenante, capable de tout pour acquérir de l’autorité, ayant de l’esprit, mais encore plus de fausseté, d’une humeur altière, inquiète, frondeuse et tracassiére (Mémoires du chevalier de La Touche). Voyez Biographie universelle, II, 35. (Th. F.)
  4. Le prince royal, frère puîné du grand Frédéric, père de Frédéric-Guillaume II et aïeul de Frédéric-Guillaume III.
  5. Second frère du grand Frédéric. (Voyez Biographie universelle, XX, 181.) Lord Tyrconnell lui accorde des mœurs plus douces que celles de ses aînés, un caractère plus calme, un naturel compatissant et généreux, mais un esprit indécis, ami du repos et de la magnificence. Le chevalier de La Touche lui reproche de la hauteur et des goûts infâmes, malgré la beauté de la princesse son épouse, qui réunissait, dit-il, toutes les qualités brillantes et aimables. (Th. F.)