Correspondance de Voltaire/1752/Lettre 2404

Correspondance de Voltaire/1752
Correspondance : année 1752, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 461-462).

2404. — À MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH[1].
(Commencement d’août 1752.)

Madame, frère Voltaire, comme voit Votre Altesse royale, n’écrit que de Dieu. Aussi est-il dans un couvent où l’on fait son salut. Il y aurait un plus gros volume que la Somme de saint Thomas à faire sur la théologie dont il est question. Il met à vos pieds la thèse ci-jointe. C’est à Votre Révérence royale à prononcer. Il y a en France des moines de Fontevrault qui obéissent aveuglément à une abbesse. Je me sens de ce nombre. Auriez-vous besoin, madame, d’un lecteur d’une poitrine et d’un esprit infatigables, théologien ne croyant pas en Dieu, savant comme La Croze, aussi gros que lui, mangeant tout autant, très-serviable et peu cher[2] ? Je pourrais le procurer à Votre Altesse royale. Elle sait que je ne lui fais pas de mauvais présents, et elle peut compter sur le zèle que j’aurai toute ma vie pour son service.

J’ai exécuté ses ordres auprès du baron de Pöllnitz. C’est de quoi lui rendre la santé, et il s’en porte déjà mieux. Si jamais j’en ai, de cette santé que l’auteur de la Religion naturelle m’a refusée tout net, je viendrai sûrement m’informer à Baireuth de la vôtre. Baireuth est l’église où je veux aller en pèlerinage offrir un culte de latrie et me prosterner devant l’auguste sainte que je prie avec le plus profond respect.

Monseigneur daigne-t-il agréer mes hommages, et son Altesse royale daigne-t-elle me permettre que je mette dans ce paquet une lettre pour M. d’Adhémar ? Je suis bien touché de l’état de M. de Montperny : Votre Altesse royale perdrait là un serviteur tel que les princes n’en trouvent guère.


Voltaire.

  1. Revue française, 1er février 1866 ; tome XIII, page 222.
  2. Il s’agit probablement de l’abbé de Prades.