Correspondance de Voltaire/1750/Lettre 2097

Correspondance de Voltaire/1750
Correspondance : année 1750, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 135).

2097. — À MADAME LA DUCHESSE DU MAINE.
Juin, ce mercredi.

Âme du grand Condé ! il n’y a pas moyen de reculer, et il faut absolument que je parte demain à cinq heures du matin. Je me trouve une espèce d’héroïsme dans le cœur, puisque j’ai le courage de partir après la lettre de ma protectrice. Ce voyage est devenu un devoir indispensable, et ce n’est que parce qu’il est devoir que je n’ose résister à vos bontés, à vos raisons et à mon cœur.

Quoique je n’aie guère de moments dont je puisse disposer, il faut commander au temps ; quand ma protectrice parle, il y a trop de plaisir à lui obéir. Eh bien ! madame, j’aurai fait toutes mes affaires à six heures ; j’attendrai vos ordres et votre voiture ; je viendrai me jeter à vos pieds ; je viendrai chercher de nouveaux sujets de regret, mais aussi ce sera pour moi une consolation bien flatteuse de partir rempli de l’idée de vos bontés, et du bonheur d’avoir vu encore Louise de Bourbon. Je lui dirai que je lui suis plus attaché qu’à tous les rois du Nord ; mais je lui soutiendrai que son rival le roi de Prusse, qui ne la vaut pas, est pourtant un homme admirable.

Pourvu que je sois de retour à Paris à onze heures du soir, je suis aux ordres de ma protectrice.