Correspondance de Voltaire/1748/Lettre 1929

Correspondance de Voltaire/1748
Correspondance : année 1748GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 548-549).

1929. — À M. D’ARNAUD,
à paris.
À Lunéville, le 28 novembre.

Comment ! vous savez à qui l’on a donné un paquet, et que c’est M. de Montolieu qui l’a envoyé chez moi ! et vous me le mandez exactement ! Courage, mon cher ami ; vous deviendrez un homme essentiel, un homme d’importance.

Voici quelque chose de peu important que vous pouvez envoyer au roi de Prusse ; il aime ces guenilles-là. C’est une lettre[1] au duc de Richelieu, qu’un homme de vos amis lui a écrite sur la statue qu’on lui élève à Gênes. Cela ne vaut pas le Cul de Manon[2], mais je ne suis plus dans l’âge des Manons. C’est votre affaire ; mais je vous assure que je vous aime plus solidement que toutes les Manons de Paris.

Vous êtes mal instruit de l’histoire des histrions : Crébillon a retiré tous ses rôles, les a corrigés, les a rendus, et Grandval attend encore son quatrième et cinquième acte. Il aurait dû retirer aussi l’approbation qu’il a donnée à une plate parodie de Sémiramis[3], que le roi a défendue à Fontainebleau. Je me flatte qu’en récompense Arlequin donnera son approbation à Catilina. Le bon homme aurait dû se souvenir qu’on ne put pas seulement parodier sa Sémiramis. Je lui pardonne de ne pas aimer la mienne.

Adieu, mon cher ami ; il y a dans ce monde très-peu de bons vers et de bonnes gens. Je vous embrasse et je vous aime, parce que vous faites de bons vers, et que vous êtes un bon cœur.

  1. C’est l’épitre du 18 novembre 1748 (voyez tome X).
  2. Voyez la lettre 1894.
  3. Crébillon, en qualité de censeur, avait sans doute donné son approbation à la parodie de Sémiramis ; mais l’imprimé ne contient pas d’approbation ; voyez le n° ix de la note 3, tome IV, page 485. Le nom de Crébillon est au bas de l’approbation de plusieurs brochures pour ou contre Sémiramis.