Correspondance de Voltaire/1748/Lettre 1929
Comment ! vous savez à qui l’on a donné un paquet, et que c’est M. de Montolieu qui l’a envoyé chez moi ! et vous me le mandez exactement ! Courage, mon cher ami ; vous deviendrez un homme essentiel, un homme d’importance.
Voici quelque chose de peu important que vous pouvez envoyer au roi de Prusse ; il aime ces guenilles-là. C’est une lettre[1] au duc de Richelieu, qu’un homme de vos amis lui a écrite sur la statue qu’on lui élève à Gênes. Cela ne vaut pas le Cul de Manon[2], mais je ne suis plus dans l’âge des Manons. C’est votre affaire ; mais je vous assure que je vous aime plus solidement que toutes les Manons de Paris.
Vous êtes mal instruit de l’histoire des histrions : Crébillon a retiré tous ses rôles, les a corrigés, les a rendus, et Grandval attend encore son quatrième et cinquième acte. Il aurait dû retirer aussi l’approbation qu’il a donnée à une plate parodie de Sémiramis[3], que le roi a défendue à Fontainebleau. Je me flatte qu’en récompense Arlequin donnera son approbation à Catilina. Le bon homme aurait dû se souvenir qu’on ne put pas seulement parodier sa Sémiramis. Je lui pardonne de ne pas aimer la mienne.
Adieu, mon cher ami ; il y a dans ce monde très-peu de bons vers et de bonnes gens. Je vous embrasse et je vous aime, parce que vous faites de bons vers, et que vous êtes un bon cœur.
- ↑ C’est l’épitre du 18 novembre 1748 (voyez tome X).
- ↑ Voyez la lettre 1894.
- ↑ Crébillon, en qualité de censeur, avait sans doute donné son approbation à la parodie de Sémiramis ; mais l’imprimé ne contient pas d’approbation ; voyez le n° ix de la note 3, tome IV, page 485. Le nom de Crébillon est au bas de l’approbation de plusieurs brochures pour ou contre Sémiramis.