Correspondance de Voltaire/1748/Lettre 1893

Correspondance de Voltaire/1748
Correspondance : année 1748GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 515-516).

1893. — AU LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE[1]
.

Je pense, monsieur, que l’édition dont on vous avait parlé, il y a quelque temps, n’est point celle dont il est question mais c’est probablement une édition en six volumes, faite à Trévoux, et que j’ai trouvée si mauvaise, si infidèle et si pleine de fautes, que j’ai supplié instamment M. Pallu de la supprimer autant qu’il pourrait. Cette misérable édition court les provinces et les pays étrangers avec beaucoup d’autres, et à cela il n’y a que du papier perdu : voilà l’édition qui n’a pas mon approbation. Mais celle dont je me plains, et que je défère à votre justice, a toute mon indignation et aura certainement la vôtre. Jamais rien n’a été imprimé de plus punissable. L’édition de Trévoux, en six volumes, est intitulée : À Londres, chez Nourse, 1746. Celle-ci porte : À Amsterdam, par la Compagnie. Voici, monsieur, un petit Mémoire que j’ai l’honneur de vous envoyer à ce sujet. J’envoie le pareil à M. le comte de Maurepas, et j’attends vos ordres et les siens avant de faire aucune démarche.

Mémoire de Voltaire au sujet de l’édition en douze volumes faite, à Rouen, avec le titre Amsterdam, par la compagnies des libraires.

Il y a quelques mois que je trouvai, chez un homme qui étale des livres à Versailles, une nouvelle édition de la Henriade, 1748, avec la Bataille de Fontenoy, etc., en un volume. J’achetai douze exemplaires de cet homme pour en faire des présents.

À mon retour de Lunéville, j’ai trouvé dans Paris une édition en douze volumes, remplie de libelles et d’impuretés, de laquelle ce même volume de la Henriade fait le premier tome.

J’ai jugé que ce volume, d’abord séparé, contenant la Henriade, avait d’abord été vendu pour essayer le débit, et qu’ensuite on y avait ajouté les onze tomes.

Je me suis adressé au même homme qui étale à Versailles. Il m’a dit ingénument que la Henriade qu’il m’avait vendue avait été imprimée à Rouen.

Je lui ai demandé les onze autres volumes ; il m’a dit qu’il les chercherait chez ceux qui les ont à Paris, et qu’il m’en ferait tenir un exemplaire dimanche 16 du mois, ou même samedi.

Si on peut, à l’amiable, savoir de cet étaleur où se vend cette édition, il sera aisé de remonter à la source. Il peut d’autant plus faire cet aveu que, n’ayant aucune part à cette entreprise, il n’a point d’intérêt à déguiser la vérité.

L’étaleur en question est un relieur nommé Fournier ; il demeure rue des Récollets, à Versailles, et paraît un honnête homme.

  1. Éditeur, Léouzon Leduc.