Correspondance de Voltaire/1748/Lettre 1884

Correspondance de Voltaire/1748
Correspondance : année 1748GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 507-508).

1884. — À M. MARMONTEL.
À Lunéville, 15 février.

Je vous avais déjà écrit, mon cher ami pour vous dire combien votre succès m’intéresse. J’avais adressé ma lettre chez un marchand de vin. Il doit avoir à présent pour enseigne du laurier au lieu de lierre, quoiqu’on ait dit :


· · · · · · · · · · · · · · · Hedera crescentem ornate poetam.

(Virg. ecl. vii, v. 25.)

Je reçois votre billet. L’honneur que vous voulez me faire[1] en est un pour les belles-lettres. Vous faites renaître le temps où les auteurs adressaient leurs ouvrages à leurs amis. Il eût été plus glorieux à Corneille de dédier Cinna à Rotrou qu’au trésorier de l’épargne Montauron. Je vous avoue que je suis bien flatté que notre amitié soit aussi publique qu’elle est solide, et je vous remercie tendrement de ce bel exemple que vous donnez aux gens de lettres. J’espère revenir à Paris assez à temps pour voir jouer votre pièce, quelque tard que j’y vienne. Comptez que tous les agréments de la cour de Pologne ne valent ni l’honneur que vous me faites, ni le plaisir que votre réussite m’a causé. Je vous mandais, dans ma dernière lettre, que c’est à présent qu’il faut corriger les détails : c’est une besogne aisée et agréable, quand le succès est confirmé. Adieu, mon cher ami ; il faut songer à présent à être de notre Académie c’est alors que ma place me deviendra bien chère. Je vous embrasse de tout mon cœur, et je compte à jamais sur votre amitié.

  1. La dédicace de Denis le Tyran.