Correspondance de Voltaire/1747/Lettre 1857

Correspondance de Voltaire/1747
Correspondance : année 1747GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 480).

1857. — À M. MOREAU[1].
Jeudi 5 janvier 1747.

Permettez, monsieur, que j’aie l’honneur de m’informer de votre santé, que je crains bien d’avoir dérangée en vous donnant la peine de faire le plus beau discours du monde ; vous en avez eu de la gloire et de la fièvre. Mais si la réputation peut guérir, vous devez être l’homme du monde le plus sain. Oserai-je, monsieur, vous proposer d’amuser votre convalescence en faisant venir chez vous Rigoley de Juvigny ? Je vous supplie de me faire savoir le jour et l’heure. Rigoley demeure rue Vivienne, chez M. de Saint-Julien, dont il est commis. Vous ne serez pas fâché de voir les pièces authentiques que j’aurai l’honneur de vous montrer. Elles seront un jour une partie intéressante de l’histoire de la littérature. Je vous devrai, monsieur, le maintien de mon honneur, qui m’est beaucoup plus cher que toute la gloire littéraire. Les supérieurs de Juvigny s’en rapportent comme moi à votre arbitrage, et cet homme, en voyant les témoignages irréprochables que je lui montrerai en votre présence, se portera de lui-même à prévenir vos ordres. Daignez, monsieur, faire cette faveur à un honnête homme indignement calomnié depuis si longtemps. Je vous aurai une obligation qui ne finira qu’avec ma vie. Cette affaire est la seule qui m’intéresse, et je ne veux aller servir mon semestre auprès du roi que quand je serai digne de paraître devant Sa Majesté avec une justification que j’espère de vos bontés. J’attends vos ordres et j’ai l’honneur d’être, monsieur, avec la plus vive et la plus inaltérable reconnaissance, votre très-humble, très-obéissant et très-obligé serviteur.

Voltaire.

  1. Voltaire contre Travenol, par H. Beaune, 1869. Autographe de la collection Sohier.