Correspondance de Voltaire/1746/Lettre 1831

Correspondance de Voltaire/1746
Correspondance : année 1746GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 454-455).

1831. — À M. LE CHEVALIER DE FALKENER[1].
Paris, 13 juin.

My dearest and most respected friend, although I am a popish dog, much addicted to His Holiness, and like to be saved by his power, yet I retain for my life something of the english in me ; and I can not but pay you my compliment upon the brave conduct of your illustrious duke. You have made a rude, rough campaign in a climate pretty different from that of Turky.

You have got amongst your prisoners of war a French noble man called the marquis d’Eguilles, brother to that noble and ingenious madman who has wrote the Lettres juives. The marquis is possessed of as much wit as his brother, but is a little wiser. I think no body deserves more your obliging attention, I dare say kindness. I recommend him to you from my heart. My dear Falkener is renowned in France for many virtues and dear to me for many benefits ; let him do me this new favour, I will be attached to him for all my life.

Farewell, my dear friend let all men be friends, let peace reign over all Europe[2] !

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Traduction : Mon très-cher et très-respectable ami, quoique je sois un chien de papiste, très-dévoué à Sa Sainteté et espérant bien d’être sauvé par sa puissance, cependant je conserve en moi pour la vie quelque chose d’anglais, et je ne peux que vous faire mon compliment de la vaillante conduite de votre illustre duc. Nous venez de faire une campagne dure et pénible, dans un climat un peu différent de la Turquie*.

    Vous avez l’avantage d’avoir parmi vos prisonniers de guerre un gentilhomme français, appelé le marquis d’Éguilles, frère du généreux et spirituel fou** qui a écrit les Lettres juives. Le marquis est plein d’esprit comme son frère ; mais il est un peu plus sage. Je crois que personne ne mérite davantage votre obligeant intérêt, j’ose même dire votre amitié. Je vous le recommande de tout mon cœur. Mon cher Falkener est renommé en France pour bien des vertus ; il m’est cher, à moi, pour mille bontés : qu’il m’accorde cette nouvelle faveur, je lui serai attaché à jamais.

    Adieu, mon cher ami ; que tous les hommes soient amis ! que la paix règne sur toute l’Europe. (A. F.)

    *. Falkener avait suivi le duc de Cumberland en Écosse.
    **. Le marquis d’Argens.