Correspondance de Voltaire/1746/Lettre 1820

Correspondance de Voltaire/1746
Correspondance : année 1746GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 446).
1820. — À M. DE VAUVENARGUES.
22 mai.

La plupart de vos pensées me paraissent dignes de votre âme et du petit nombre d’hommes de goût et de génie qui restent encore dans Paris, et qui méritent de vous lire. Mais, plus j’admire cet esprit de profondeur et de sentiment qui domine en vous, plus je suis affligé que vous me refusiez vos lumières. Vous avez lu superficiellement une tragédie[1] pleine de fautes de copiste, sans daigner même vous informer de ce qui pouvait être à la place de vingt sottises inintelligibles qui étaient dans le manuscrit. Vous ne m’avez fait aucune critique. J’en suis d’autant plus fâché contre vous que je le suis contre moi-même, et que je crains d’avoir fait un ouvrage indigne d’être jugé par vous. Cependant je méritais vos avis, et par le cas infini que j’en fais, et par mon amour pour la vérité, et par une envie de me corriger qui ne craint jamais le travail, et enfin par ma tendre amitié pour vous.

  1. Sémiramis, qui ne fut représentée que deux ans plus tard, le 29 septembre 1748.