Correspondance de Voltaire/1746/Lettre 1809

Correspondance de Voltaire/1746
Correspondance : année 1746GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 439-440).

1809. — À M. DE VAUVENARGUES.
Ce samedi, avril.

Je ne sais où trouver M. de Marmontel et son Pylade[1] ; mais je m’adresse au héros de l’amitié pour faire passer jusqu’à eux le chagrin que me cause la petite tribulation arrivée à leurs feuilles[2], et l’empressement que j’aurai à les servir. Les recherches qu’on a faites par ordre de la cour, chez tous les libraires, au sujet du libelle de Roi, sont cause de ce malheur. On cherchait des poisons, et on a saisi de bons remèdes. Voilà le train de ce monde. Ce misérable Roi, n’est né que pour faire du mal ; mais je me flatte que cette aventure pourra servir à faire discerner ceux qui méritent la protection du gouvernement, de ceux qui méritent l’indignation du gouvernement et du public. C’est à quoi je vais travailler avec plus de chaleur qu’à mon Discours à l’Académie. J’embrasse tendrement celui dont je voudrais avoir les pensées et le style, et dont j’ai les sentiments, et je prie le plus aimable des hommes de m’aimer un peu.

  1. Jean-Grégoire Bauvin, né en 1714. Il venait d’entreprendre, avec Marmontel, un journal intitulé l’Observateur littéraire, dont il ne parut que le premier volume.
  2. L’Observateur littéraire, qui se cachait parce qu’il n’avait pas acquitté le tribut exigé par le Journal des savants, était tombé entre les mains du lieutenant de police, dans les recherches faites par les agents de celui-ci, à l’instigation de Voltaire, pour rechercher le Discours prononcé à la porte de l’Académie française et le Triomphe poétique.