Correspondance de Voltaire/1746/Lettre 1794

Correspondance de Voltaire/1746
Correspondance : année 1746GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 422-423).

1794. ‑ À M. THIERIOT[1].
Versailles, 18 mars 1746.

Je vous remercie des bavardages italiens de Ménage ; ils achèvent de me prouver qu’entre la science et le génie la distance est immense. Je n’ai pu voir le ballet, j’étais malade, et j’ai lu Horace pour me consoler. Je vous renvoie par le carrosse le Tacite italien. C’est un tour de force d’avoir voulu réduire le verbiage italien à la précision latine, et il faut bien que ce ne soit pas là le génie des Virtuosi, car ils n’ont pas imité notre traducteur. Algarotti même est bien allongé dans son Congresto di Cithera. Ses phrases font perdre haleine. J’ai donné aujourd’hui au roi le manuscrit de l’histoire présente depuis la mort de l’empereur Charles VI jusqu’à la prise de Gand : c’est pour sa petite bibliothèque. Le public n’aura pas sitôt cet ouvrage, auquel je veux travailler une année entière. Je vous félicite sur les assignations que le roi de Prusse vous donne au mois de mai. Il a été toujours si occupé à battre des Autrichiens qu’il n’a pas songé aux pensions de Thieriot mais actuellement que le voilà au comble de la gloire, et, ce qui vaut mieux, dans un doux repos, il songe à vous. Il y a bien du temps que je n’ai eu l’honneur de lui écrire : je lui ai fait une infidélité pour le pape ; mais, dans le fond, il faut avouer que Fédéric a plus d’esprit que tout le sacré collége. N’allez pas dire cela, car je ne veux plus être excommunié. Bonsoir.

  1. Pieces inédites de Voltaire, 1820.