Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1772

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 404-405).

1772. — À M. LE DUC DE RICHELIEU[1].
Octobre.

Je n’ai pas osé troubler mon héros ; il faut le chanter, et ne le pas importuner. S’il part[2], on lui prépare des lauriers ; s’il ne part point, on lui prépare des plaisirs. Il est toujours sûr d’avoir des Anglaises ou des Françaises à son service, et, quelque chose qui arrive, il aura l’honneur d’avoir entrepris l’expédition la plus glorieuse du monde, et assurément contre vent et marée.

Conservez, monseigneur le duc, une vie si illustre et si chère. Ou je vous attendrai dans peu, ou j’irai vous faire ma cour à Londres. Je vous verrai faisant un roi, et rendant le vôtre l’arbitre de l’Europe. Tout cela serait fait si on avait pu partir le 25. Voilà à quoi tiennent les destinées des empires ! Mais la vôtre sera toujours d’être l’homme de votre siècle le plus brillant ; la mienne sera d’être, si je le peux, l’Homère de cet Achille qui a quitté Briséis pour aller renverser un trône. Triomphez, vivez, et honorez-moi quelquefois d’un regard dans la foule de vos admirateurs.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Pour soutenir le Prétendant.