Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1765

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 397-398).

1765. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Fontainebleau, ce 5 octobre.

Vraiment, les grâces célestes ne peuvent trop se répandre, et la lettre[1] du saint-père est faite pour être publique. Il est bon, mon respectable ami que les persécuteurs des gens de bien sachent que je suis couvert contre eux de l’étole du vicaire de Dieu. Je me suis rencontré avec vous dans ma réponse, car je lui dis que je n’ai jamais cru si fermement à son infaillibilité.

Je resterai ici jusqu’à ce que j’aie recueilli toutes mes anecdotes sur les campagnes du roi, et que j’aie dépouillé les fatras des bureaux. J’y travaille, comme j’ai toujours travaillé, avec passion ; je ne m’en porte pas mieux. Je vous apporterai ce que j’aurai ébauché. M. et Mme d’Argental seront toujours les juges de mes pensées et les maîtres de mon cœur.

Bonsoir, couple adorable ; je vous donne ma bénédiction, je vous remets les peines du purgatoire, je vous accorde des indulgences. C’est ainsi que doit parler votre saint serviteur, en vous envoyant la lettre du pape ; mais, charmantes créatures, il serait plus doux de vivre avec vous que d’avoir la colique en ce monde, et d’être sauvé dans l’autre. Hélas ! je ne vis point ; je souffre toujours et je ne vous vois pas assez. Quel état pour moi, qui vous aime tous deux comme les saints (au nombre desquels j’ai l’honneur d’être) aiment leur Dieu créateur !

  1. La lettre de Benoît XIV, en date du 19 septembre 1745, et la réponse de Voltaire, ont été conservées en tête de Mahomet, tome IV, page 101.