Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1697

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 343-344).

1697. — À M. DE CIDEVILLE.
À Versailles, le 31 janvier.

Mon aimable ami, je suis un barbare qui n’écris point, ou qui n’écris qu’en vile prose ; vos vers font mon plaisir et ma confusion. Mais ne plaindrez-vous pas un pauvre diable qui est bouffon du roi à cinquante ans, et qui est plus embarrassé avec les musiciens, les décorateurs, les comédiens, les comédiennes, les chanteurs, les danseurs, que ne le seront les huit ou neuf électeurs pour se faire un césar allemand ? Je cours de Paris à Versailles, je fais des vers en chaise de poste. Il faut louer le roi hautement, madame la dauphine finement, la famille royale doucement, contenter la cour, ne pas déplaire à la ville.


Ô qu’il est plus doux mille fois
De consacrer son harmonie
À la tendre amitié dont le saint nœud nous lie !
Qu’il vaut mieux obéir aux lois
De son cœur et de son génie
Que de travailler pour des rois !

Bonjour, mon cher et ancien ami ; je cours à Paris pour une répétition, je reviens pour une décoration. Je vous attends pour me consoler et pour me juger. Que n’êtes-vous venu pour m’aider ! Adieu ; je vous aime autant que j’écris peu. V.