Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1693

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 337-340).

1693. — ALL’EMINENTISSIMO E REVERENDISSIMO
SIGNORE COLENDISSIMO PASSIONEI[1].
Versailles, 9 janvier 1745.

Lo scolare dell’ Eminenza Vostra prende l’ardire di scrivere in italiano a chi è suo maestro nella lingua francese. Veramente non mi maraviglio che Vostra Eminenza sia d’ogni paese : fu stimata e pregiata da ognuno in Olanda, al tempo della pace d’Utrecht ; consegui poi la stima e l’affetto di Ludovico XIV ; s’acquisto in Vienna l’amicizia e l’amirazione di tutta la corte cesarea, e gode ora di tutti questi applausi insieme nella capitale del mondo, della quale ella fa il principale ornamento.

Non nieghero all’ Eminenza Vostra le sue umanissime e pregevolissime lettere aver prodotto in me un avidissimo desiderio di vedere l’alma città di Roma, sede di tutte le belle arti. Pochissimi sono tra noi i mezzi d’istruirsi nella cognizione della lingua italiana. Ho letto alcuni autori del seicento ; ma il Marchetti[2], l’Orsi[3], il Filicaia[4], e molti altri, mi sono noti solamente di nome. Mi sono inoltre ben’ accorto della necessita di praticare una lingua, e di fermarsi alcuni mesi almeno nel paese per impossessarsi delle sue delicatezze ed espressioni proprie. Mi rincresce molto d’essere più pratico della lingua inglese che dell’ italiana. Ma sono stato un anno intiero in Londra, e vi feci il mio capitale d’ingegnarmi a fare una intima conoscenza colla lingua troppo libera di questo popolo troppo libero. La sua durezza e barbarie, per quanto sia addolcita dai buoni autori inglesi, non è per certo d’essere paragonata colla purita e la naturale eleganza della lingua italiana.

Non posso non chiamare crudele il mio destino, quando rifletto che la continuata infermità, che va distruggendo la mia vita, mi toglie la consolazione di andare a Roma, e di pagare in persona quel tributo di sincera venerazione che unicamente le porgo nelle mie lettere.

Risento colla grande vivezza dell’ animo i pregiati suoi favori, e le sarei infenitamente tenuto, se si degnasse d’inviarmi le opere del marchese Orsi, delle quali Vostra Eminenza mi parla nella sua ultima riveritissima lettera.

Credo bene che il nostro Boileau fu troppo rigoroso verso il gran Tasso. Sono in esso alcuni concetti, alcune freddure, lo confesso ma se ne trovano ancora nel Virgilio.

Num capti potuere capi ? Num incensa cremavit
Troja viros ?

(’aen’., liv. VII)

Italiam[5] metire jacens.

(Æn., liv. XII.)

Ve ne sono ancora in Omero ; e questo diffetto si scorge troppo comune in Milton. Ma

· · · · · · · · · · · · · · · ubi plura nitent in carmine, non ego paucis
Offendar maculis.

Mi lusingo che il Crescimbeni[6] sarebbe di tutti gli autori quello che mi darebbe la più vera e profonda cognizione di cotesta sua bella lingua. La Biblioteca del Fontanini[7] non si trova qui ; e giacchè Vostra Eminenza s’è degnata d’essere tanto umana verso di me di promettermi tai libri, saro intieramente in debito ai suoi favori del poco d’italiano che io potro imparare ; e disperando di poter mettermi in Roma sotto la protezione di Vostra Eminenza, faro almeno in Parigi alcun profitto della somma sua bontà. Potrebbe ella compiacersi d’inviarmi questi belli regali sotto l’indirizzo dell’ eminentissimo signor cardinale di Tencin, o sotto quello del signor marchese d’Argenson, ministro di Stato per gli affari stranieri ? Intanto bacio umilmente all’ Eminenza Vostra il lembo della sacra porpora ; in atto di profondamente inclinarmele, mi rassegno di Vostra Eminenza umilissimo, divotissimo ed obbligatissimo servidore[8] V.

  1. Cette lettre, dont la traduction française avait paru dans l’Amateur d’autographes, 1862 page 91, a été reproduite par MM. Bavoux et François (Appendice de 1865). Dans l’Amateur d’autographes et dans Voltaire a Ferney, elle a été à tort classée à l’année 1742.
  2. Né en 1633, mort en 1714. Marchetti était à la fois poëte, philosophe et mathématicien. Sa traduction d’Anacréon, et surtout celle de Lucrèce, sont très-estimées. (A. F.)
  3. Le cardinal Orsi, né à Florence en 1692, est mort à Rome en 1761. Son principal ouvrage, l’Histoire eccléstastique, est une réfutation de celle de Fleury.
  4. Célèbre poète lyrique, né en 1642, mort en 1707 ; son beau sonnet sur la Destinée de l’Italie est dans la mémoire de tous les Italiens  :
    Italia ! Italia ! ô tu cui feo la sorte
    Dono infelice di bellezza …
  5. Le texte porte Hesperiam.
  6. Fondateur et premier custode de l’Académie des Arcades, à Rome, auteur d’une Histoire de la Poésie italienne, né en 1663, Crescimbeni est mort en 1728.
  7. L’ouvrage de ce savant critique est intitulé Biblioteca della eloquenza italiana. Fontanini, né en 1666, est mort en 1736.
  8. Traduction : L’écolier de Votre Éminence prend la liberté d’écrire en italien à celui qui serait son maitre en français. Vraiment je ne m’étonne pas que Votre Éminence soit de tous les pays. Elle a été estimée et appréciée de tous en Hollande, à l’époque de la paix d’Utrecht ; elle a obtenu ensuite l’estime et l’affection de Louis XIV ; elle s’est acquis, à Vienne, l’amitié et l’admiration unanimes de la cour de l’empereur ; maintenant elle jouit de tous ces succès réunis dans la capitale du monde, dont elle est le principal ornement. Je ne cacherai pas à Votre Éminence que ses lettres, si aimables, si flatteuses pour moi, m’ont inspiré le plus vif désir de visiter cette auguste ville de Rome, séjour de tous les beaux-arts. Il y a chez nous très-peu de moyens de s’instruire dans la langue italienne. J’ai lu quelques auteurs du xviii° siècle. Mais Marchetti, Orsi, Filicaia, et beaucoup d’autres, ne me sont connus que de nom. Je me suis en outre convaincu de la nécessité de pratiquer une langue et de demeurer quelques mois au moins dans le pays pour bien posséder les délicatesses de cette langue et l’expression propre. Je regrette beaucoup d’être plus familiarisé avec l’anglais qu’avec l’italien. Mais je suis resté une année entière à Londres, et là j’ai appliqué tous mes soins à acquérir une connaissance approfondie de la langue trop libre d’un peuple trop libre lui-même. Sa dureté et sa barbarie, quoiqu’elle soit adoucie par les bons écrivains anglais, ne sauraient se comparer avec la pureté et l’élégance naturelle de la langue italienne.

    N’ai-je pas vraiment raison de me plaindre de ma cruelle destinée, quand je songe que les maladies continuelles qui détruisent ma vie m’ôtent la consolation d’aller à Rome et de payer en personne à Votre Éminence le tribut des sincères respects que je suis réduit à lui envoyer par lettre ?

    Je reçois avec une vive reconnaissance ses précieuses faveurs, et je lui serais infiniment obligé si elle daignait m’envoyer les Œuvres du marquis Orsi, dont elle me parle dans sa très-honorée lettre.

    Je pense assurément que notre Boileau a été trop rigoureux pour le grand Tasse. Il y a bien chez lui quelques concetti, quelques froideurs ; mais on en trouve même dans Virgile :

    Ils étaient prisonniers, et je n’ai pu les prendre !
    Troie entière a btûlé sans les réduire en cendre !
    En tombant sous mes coups, mesure l’Italie.

    Il y en a même dans Homère, et ce défaut se rencontre trop souvent dans Milton. Mais

    Lorsqu’un ouvrage est beau, qu’importent quelques taches

    Il me semble que Crescimbeni serait de tous les auteurs celui qui me donnerait la connaissance la plus exacte et la plus approfondie de cette belle langue. La Bibliotheque de Fontanini ne se trouve pas ici ; et puisque Votre Éminence a daigné avoir la bonté de me promettre ces livres, je serai entièrement redevable à ses faveurs du peu d’italien que je pourrai savoir ; et, désespérant de pouvoir me mettre à Rome sous la protection de Votre Éminence, je profiterai du moins à Paris de tant de bonté. Aurait-elle l’extrême complaisance de m’envoyer ces beaux présents à l’adresse de monseigneur le cardinal de Tencin ou de M. le marquis d’Argenson, ministre d’État aux affaires étrangères ?

    En attendant, je baise humblement la pourpre sacrée de Votre Éminence, et, profondément incliné devant elle, j’ose me dire, de Votre Éminence, le très-humble, très-dévoué et très-obligé serviteur. (A. F.)