Correspondance de Voltaire/1744/Lettre 1672

Correspondance de Voltaire/1744
Correspondance : année 1744GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 318-319).

1672. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Cirey, août.

Je vous supplie, mes saints anges, de considérer que M. de Richelieu aurait voulu que l’ouvrage eût été fait avant son départ, et qu’en moins de quinze jours j’ai fait deux actes et ces deux divertissements. Il ne faut donc regarder tout ce que j’ai broché que comme une esquisse dessinée avec du charbon sur le mur d’une hôtellerie où on couche une nuit. Je n’ai jamais prétendu que la comédie restât comme elle est ; je prétends seulement que les divertissements du premier acte demeurent. Ils me paraissent devoir faire un spectacle charmant. J’ai déjà fait tenir à M. le duc de Richelieu le second acte ; mais je lui mande bien positivement que tout cela n’est qu’une ébauche. Il veut absolument du burlesque ; j’ai eu beaucoup de peine à obtenir qu’il n’y eût point d’Arlequin. À l’égard de Sanchette, elle n’est qu’une pierre d’attente. Il y faut mettre Mme Morillo, parce qu’il faut une personne ridicule, qui occasionne des méprises et des jeux de théâtre ; mais, je vous en prie, prêtez-vous un peu plus au comique. Il est vrai qu’il est hors de mode mais ce n’est pas parce que le public n’en veut point, c’est qu’on ne peut lui en donner. Comptez que le comique qui fait rire dépend du jeu des acteurs, et ne se sent point quand on examine un ouvrage, et qu’on le discute sérieusement. Je vais retoucher ce premier acte, dont l’idée paraît toujours charmante à Mme du Châtelet, et qui peut fournir un des plus agréables spectacles du monde, avec des danses et de la musique. À l’égard de ce qui était destiné à M. de Richelieu, il n’y a qu’à le brûler. Je vais le refondre. Je ne me rebuterai point ; je travaillerai jusqu’à ce que vous soyez contents.