Correspondance de Voltaire/1743/Lettre 1583
Quand votre ami, tranquille philosophe,
Sur son vaisseau, qu’il a soustrait aux vents,
Voit à regret l’illustre catastrophe
Que le destin fait tomber sur les grands,
je voudrais que vous vinssiez une fois à Berlin pour y rester, et que vous eussiez la force de soustraire votre légère nacelle aux bourrasques et au vents qui l’ont battue si souvent en France. Comment, mon cher Voltaire, pouvez-vous souffrir que l’on vous exclue ignominieusement de l’Académie, et qu’on vous batte des mains au théâtre ? Dédaigné à la cour, adoré à la ville, je ne m’accommoderais point de ce contraste ; et, de plus, la légèreté des Français ne leur permet pas d’être jamais constants dans leurs suffrages. Venez ici auprès d’une nation qui ne changera point ses jugements à votre égard ; quittez un pays où les Belle-Isle, les Chauvelin[1] et les Voltaire, ne trouvent point de protection. Adieu.
Envoyez-moi la Pucelle, ou je vous renie.
- ↑ Voyez les notes, tome XXXIII, pages 181, 206-7.