Correspondance de Voltaire/1743/Lettre 1560

Correspondance de Voltaire/1743
Correspondance : année 1743GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 190).

1560. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Mars.

Vous avez bien raison, ange tutélaire ; je vous ai cherché tous ces jours-ci pour vous demander vos conseils angéliques. Il est très-vrai que je dois avoir peur que Satan, déguisé en ange de lumière, escorté de Marie Alacoque, se déchaîne contre moi.

Oui, l’auteur de Marie Alacoque persécute et doit persécuter l’auteur de la Henriade ; mais je ferai tout ce qu’il faudra pour apaiser, pour désarmer l’archevêque de Sens[1]. Le roi m’a donné son agrément ; je tâcherai de le mériter. Je me conduirai par vos avis. La place, comme vous savez, est peu ou rien, mais elle est beaucoup par les circonstances où je me trouve. La tranquillité de ma vie en dépend ; mais le vrai bonheur, qui consiste à sentir vivement, se goûte chez vous.

Adieu, mes adorables anges gardiens ; ma vie est ambulante, mais mon cœur est fixe. Je vous recommande Mme du Châtelet et César[2] : ce sont deux grands hommes.

  1. Évêque de Soissons en 1715, Languet (voyez la note, tome XVII, page 7) était devenu, en 1730, archevêque de Sens ; il était, depuis 1721, de l’Académie française.
  2. Les ennemis de Voltaire empêchèrent cette pièce de paraitre, en 1743, sur le Théâtre-Français.