Correspondance de Voltaire/1742/Lettre 1548

Correspondance de Voltaire/1742
Correspondance : année 1742GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 179).

1548. — À M. D’ARNAUD,
à paris.
À Bruxelles, 20 novembre.

Mon cher enfant en Apollon, vous vous avisez donc enfin d’écrire d’une écriture lisible sur du papier honnête, de cacheter avec de la cire, et même d’entrer dans quelque détail en écrivant ? Il faut qu’il se soit fait en vous une bien belle métamorphose ; mais apparemment votre conversion ne durera pas, et vous allez retomber dans votre péché de paresse. N’y retombez pas au moins quand il s’agira de travailleur à votre Mauvais Riche[1], car j’aime encore mieux votre gloire que vos attentions. J’espère beaucoup de votre plan, et, surtout, du temps que vous mettez à composer, car, depuis trois mois, vous ne m’avez pas fait voir un vers. Sat cito si sat bene.

Plusieurs personnes m’ont écrit que M. Thieriot répandait le bruit que j’avais part à votre comédie ; je ne crois pas que M. Thieriot puisse ni veuille vous ravir un honneur qui est uniquement à vous. Je n’ai d’autre part à cet ouvrage que celle d’en avoir reçu de vous les prémices, et d’avoir été le premier à vous encourager à traiter un sujet susceptible d’intérêt, de comique et de morale, et où vous pourrez peindre les vertus d’après nature en les prenant dans votre cœur. À l’égard des vices, il faudra que vous sortiez un peu de chez vous mais les modèles ne seront pas difficiles à rencontrer.

Faites-moi le plaisir de me donner souvent de vos nouvelles si vous pouvez. Je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. Comédie médiocre que Voltaire cite dans les lettres du 20 août et du 14 novembre 1750, à d’Argental.