Correspondance de Voltaire/1742/Lettre 1543

Correspondance de Voltaire/1742
Correspondance : année 1742GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 173-174).

1543. — À M. THIERIOT,
à paris.
À Bruxelles, le 3 novembre.

Je vous avoue que je suis aussi fâché que vous du retard que vous éprouvez. Nous en raisonnerons à loisir à Paris, où j’espère vous voir, avant la fin du mois,


Satisfait sans fortune, et sage en vos plaisirs[1].

Je voudrais bien voir cette sagesse un peu plus à son aise. On ne m’écrira que lorsque je serai à Paris ; ainsi, jusque-là, je n’ai rien de nouveau à vous dire. J’attends pour cet hiver la paix et votre pension.

J’ai vu les meurtriers anglais et les meurtriers hessois et hanovriens : ce sont de très-belles troupes à renvoyer dans leur pays. Dieu les y conduise, et moi à Paris, par le plus court !

Les maudits housards ont pris tout le petit équipage de mon neveu Denis, qui se tue le corps et l’âme en Bohême, et qui est malade à force de bien servir. Pour surcroît de disgrâce, on lui a saisi ici deux beaux chevaux qu’il envoyait à sa femme, et je n’ai jamais pu les retirer des mains des commis, gens maudits de Dieu dans l’Évangile[2], et plus dangereux que les housards. Vous voyez que, dans ce monde, vous n’êtes pas le seul à plaindre.

Mme du Châtelet essuie tous les tours de la chicane, et moi, tous ceux des imprimeurs.


Durum ! sed levius fit patientia,
Quidquid corrigere est nefas.

(Hor., lib. I, od. xxiv, v. 19.)

Quiconque est au coin de son feu, et qui songe en soupant qu’en Bohême on manque souvent de pain, doit se trouver heureux.

Je vous embrasse ; comptez toujours sur mon amitié.

  1. Voyez, tome IX, la seconde leçon du premier Discours sur l’Homme, que Voltaire eut envie, pendant quelque temps, d’adresser nominativement à Thieriot.
  2. Matthieu, xviii, 17.