Correspondance de Voltaire/1742/Lettre 1524

Correspondance de Voltaire/1742
Correspondance : année 1742GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 150-151).

1524. — À MADAME DE CHAMPBONIN.
De Reims.

On a retenu, ma chère amie, la vivacité de mes sentiments, et l’on a réglé que celui des voyageurs qui ne vous est pas le moins attaché serait le dernier à vous écrire. Nous voilà dans la ville de la sainte ampoule ! Je vous jure que Mme la marquise du Châtelet n’a jamais été plus aimable. Elle a enchanté toute la ville de Reims et, comme de raison, ceux à qui elle plaît tant lui ont donné un jour deux pièces en cinq actes, l’une avant souper, et l’autre après. La dernière a été suivie d’un bal qu’on n’attendait pas, et qui s’est formé tout seul. Jamais elle n’a mieux dansé au bal ; jamais elle n’a mieux chanté à souper ; jamais tant mangé, ni plus veillé. Elle loge chez mon ami M. de Pouilly[1], homme d’une vaste érudition, et cependant aimable, doux, facile, comme s’il n’était pas savant, digne enfin de loger Émilie. Au lieu d’y coucher une nuit, elle en passe trois dans cette bonne ville. Nous partons demain sous l’étoile d’Émilie, qui nous conduit. Vous, qui tenez sa place à Cirey, faites des vœux pour une prompte conclusion de nos affaires ; je dis nos affaires, car celles d’Émilie sont les nôtres, et nous avons certainement, vous et moi, un très-gros procès contre M. Honsbrouck. Il y a au Champbonin et à Paris deux personnes qui me seront toujours bien chères, et auxquelles je vous prie de parler toujours de moi c’est M. de Champbonin et monsieur votre fils. Je vous aime, madame, dans tout ce qui vous appartient. Adieu, gros chat. Je vous embrasse si tendrement qu’Émilie m’en grondera.

  1. Lévesque de Pouilly. Voyez tome XXXV, page 194.