Correspondance de Voltaire/1742/Lettre 1511

Correspondance de Voltaire/1742
Correspondance : année 1742GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 134-135).

1501 — À M. L’ABBÉ DU RESNEL[1].
Ce mercredi …

Je suis encore obligé, monsieur, de prendre la liberté de vous représenter qu’il n’est pas vrai que M. l’abbé Dubos soit le seul qui ait bien connu les nations étrangères dont il a parlé car, sans compter Davila, Bentivoglio, Paul Diacre, et tant d’autres, la gloire de la France ne peut permettre qu’on fasse cette injure à M. Rapin de Thoiras. Le sentiment d’un jacobite emporté et peu estimé, tel qu’était l’évêque Atterbury, ne pourra faire préférer, à tant de bons livres, le livre des intérêts de l’Angleterre très-mal entendus. Cet ouvrage porte avec soi un ridicule trop frappant. L’abbé Dubos y démontre, je ne sais comment, que l’Angleterre ne peut que perdre dans la guerre de 1701. Marlborough l’a un peu démenti.

M. le duc de Richelieu, qui songe à faire valoir le mérite de la nation, et non pas à flatter l’Académie, croit qu’il est d’un bon citoyen de rendre publiquement justice à ceux qui honorent la France, et surtout à ceux à qui les Anglais rendent cette même justice, qui est si rare. Il parle avec éloge de l’histoire de Thoiras ; il la cite parmi les ouvrages qui nous font l’honneur chez les étrangers, seuls ouvrages qu’on doive citer. Permettez-moi donc de vous prier de ne pas contredire M. le duc de Richelieu, en louant un mauvais livre aux dépens des bons. M. l’abbé Dubos est assez estimable par d’autres endroits, et vous le faites assez valoir sans chercher à mettre son faible en évidence. J’envoie aujourd’hui à Saint-Léger, et j’attends vos ordres.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — Le discours de du Resnel et la réponse du duc de Richelieu, qui font le sujet de cette lettre, furent prononcés à l’Académie le 30 juin, quelques mois après la mort de l’abbé Dubos.