Correspondance de Voltaire/1741/Lettre 1476

Correspondance de Voltaire/1741
Correspondance : année 1741GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 102-103).

1476. — À M. DE MAUPERTUIS.
À Bruxelles, le 6 octobre.

Vous devez, mon cher aplatisseur de ce globe, avoir reçu une invitation de vous rendre à Berlin. On compte que nous pourrons arriver ensemble ; mais, pour moi, je n’irai, je pense, qu’à Cirey. Je pourrai bien passer par Paris avec Mme du Châtelet ; j’espère au moins que je vous y verrai.

Si vous n’êtes pas assez philosophe pour préférer le séjour de l’amitié à la cour des rois, vous le serez peut-être assez pour ne pas vous déterminer sitôt à retourner en Prusse. Mandez-moi, je vous prie, quelles sont vos résolutions si vous en avez. Examinez-vous, et voyez ce que vous voulez. Ceci est une affaire de calcul. Il y a une sorte de gloire et du repos dans le refus ; il y a une autre gloire et des espérances dans le voyage. C’est un problème que vous pouvez trouver difficile à résoudre, et qui certainement est embarrassant. Je conçois très-bien que ceux qui sont assez heureux pour vivre avec vous décideront que vous devez rester ; mais le problème ne doit être résolu que par vous. Ne montrez point ma lettre, je vous prie n’en parlez point, et si vous faites quelque cas de moi, mandez-moi ce que vous pensez. Je vous promets le plus profond secret. Je vous renverrai même votre lettre si vous le voulez. Il me semble que c’est un assez beau siècle que celui où les gens de lettres balancent à se rendre à la cour des rois mais s’ils ne balancent point, le siècle sera bien plus beau.

Je suis toujours au rang de vos plus tendres et de vos plus fidèles serviteurs.