Correspondance de Voltaire/1741/Lettre 1475

Correspondance de Voltaire/1741
Correspondance : année 1741GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 101-102).

1475. À M. THIERIOT[1].
6 octobre 1741.

N’avez-vous point reçu des lettres de Berlin qui terminent l’affaire de votre pension, et M. Dumolard n’a-t-il pas de son côté reçu une nouvelle invitation ? Je juge par tout ce qu’on m’écrit que tout cela doit être fait.

M. de Maupertuis vous dira sans doute qu’il est prié de venir occuper encore son bel appartement du palais de Berlin. Pour moi, quelque flatteur que soit tout ce qu’on me propose, quelque doux qu’il soit de vivre auprès d’un roi puissant qui daigne m’aimer, et qui cultive lui-même les arts auxquels j’ai consacré ma vie, je ne balance pas à donner la préférence à l’amitié. Je suivrai Mme du Châtelet à Cirey, au lieu d’aller voir le roi de Prusse. Je sais que je suis un peu persécuté dans ma patrie, mais l’amitié console des persécutions et tient lieu des rois. C’est à M. Gresset à remplir ma place à Berlin ; il l’occupera mieux que moi. Il est jeune, il a de la santé, et s’il n’est pas retenu par des engagements qui deviennent des devoirs, je ne doute pas qu’il ne prenne ce parti.

Je ne crois pas être à Paris avant le mois de décembre ; instruisez-moi donc en attendant de l’état de vos affaires.

Le sieur Michel m’emporte trente-deux mille cinq cents livres, soit en rentes, soit en argent comptant, mais je le crois plus à plaindre que moi. Il vivait splendidement du bien d’autrui, et il sera réduit à ne le dépenser qu’à la sourdine.

Je suis très-fâché qu’on ait imprimé ces Réflexions d’un seigneur polonais sur l’Histoire de Charles XII, et le seigneur polonais doit n’en être pas trop content ; mais si cette tracasserie ne retombe pas sur vous, je suis tout consolé. Je vous embrasse.

  1. Pièces inédites de Voltaire, 1820.