Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1114

Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 225-226).

1114. — À M. THIERIOT.
Le 24 mars.

Un des meilleurs géomètres[1] de l’univers, et sans contredit aussi un des plus aimables hommes, quitte Cirey pour Paris ;

Et c’est la seule faute où tomba ce grand homme.

(La Mort de César, acte II, sc. iv.)
Il vous rapporte le S’Gravesande en maroquin, appartenant à Louis XV, les Satires de Pope, qui persécute ses ennemis autant que je suis persécuté des miens, et le portrait d’un homme fort malheureux à Paris, mais fort heureux dans sa solitude, et qui compte toujours sur votre amitié, malgré les injustices qu’il essuie. Nous avons reçu tous les livres. Nous vous prions d’envoyer le Langage des bêtes[2]. Je ne sais si c’est un bon livre, mais c’est un sujet charmant. J’envie aux bêtes deux choses, leur ignorance du mal à venir, et de celui qu’on dit d’elles. Elles ont

de plus de fort bonnes choses ; elles ont même des amis, et par là je me console avec elles, car j’en ai aussi, et je compte sur vous.

  1. Clairaut, que Voltaire cite encore, avec des éloges très-mérites, dans la lettre 1214. M. Lacroix dit dans la Biographie universelle, article Clairaut, que ce jeune savant alla avec Maupertuis à Bâle visiter Jean Bernouilli, qui était alors le Nestor des géomètres, et que, de retour à Paris, il se retira avec Maupertuis au Mont-Valérien pour s’y livrer plus entièrement à l’étude. Ce fut là que Mme du Châtelet alla souvent, à cheval, en septembre et octobre 1737, prendre de lui des leçons qu’il retoucha plus tard, et qu’il publia sous le titre d’Eléments de géométrie.
  2. l’Amusement philosophique sur le langage des bêtes est du Père Bougeaut, Jésuite ; sa Compagnie, pour le punir d’avoir publié cet ouvrage, le condamna à ne plus faire que des catéchismes. (K.)