Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 979

Correspondance de Voltaire/1738
Correspondance : année 1738GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 65-66).
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979. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
9 décembre (1738).

Je vous prie, mon cher abbé, de vouloir bien avoir la bonté d’envoyer chez Prault, et de le faire un peu gronder par monsieur votre frère. Il ne m’envoie ni l’exemplaire de l’Enfant prodigue, que je demandais par la poste, ni les volumes qu’il me doit. Il n’y a aucun de ces volumes qu’on ne trouve à Paris en un demi-quart d’heure. Mais je suis honteux de vous gêner toujours pour des bagatelles.

L’affaire de M. de Guise n’est pas si bagatelle. Savez-vous bien que vous ne feriez pas mal d’aller voir M. Chopin dans quelque intervalle de la grand’messe et de vêpres ? Il me semble qu’on fait plus de choses dans une conversation avec le chef de la commission que par des rames de papier timbré. Vous diriez à ce M. Chopin que le sérénissime prince de Guise se moque de moi, chétif citoyen ; qu’il fait bombance à Arcueil, et laisse mourir de faim ses créanciers ; vous lui feriez un beau discours sur la révérence qu’on doit aux rentes viagères. Il est vrai que le roi a réduit les nôtres à la moitié, mais le prince de Guise n’est pas si modéré : il me retranche tout à fait les miennes. Je trouve ce procédé-là pire que les barricades de Guise le Balafré. Je souhaiterais que ce M. Chopin eût quelques rentes viagères, il verrait ce que c’est que de n’avoir point de quoi vivre de son vivant, et de laisser à ses hoirs trois ou quatre années à percevoir.

Je sais bien qu’il ne serait pas mal que je fusse à Paris ; mais je crois mes affaires mieux entre vos mains qu’entre les miennes.

Notre terre du Faou est un terrible embarras. Il s’agit de quatre mille livres de rente. Seriez-vous fâché de passer chez le notaire Lechanteur, rue Saint-Antoine, près de la Bastille ? C’est un bon homme, vrai et franc. Il vous dirait si M. de Richelieu a d’autres biens libres. C’est l’ancien notaire de la maison. Vous enverrez d’ailleurs à M. de Surville la lettre pour ses étrennes. Elle peut servir et ne peut nuire : donc il faut l’envoyer.

Adieu, mon cher abbé ; nous boirons à votre santé en mangeant le pâté.

  1. Ibid.