Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 972

Correspondance de Voltaire/1738
Correspondance : année 1738GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 57-58).
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972. — À M. THIERIOT.
Le 1er décembre.

Nous venons de recevoir le paquet du prince, lequel prince doit un jour vous acheter cent mille écus, s’il en donne sept mille pour un être non pensant, haut de six pieds. J’étais bien pressé, avant-hier, en vous écrivant toutes mes contre-critiques ; pardonnez,

Mais je lèche, en criant, la main qui me censure.

À propos, nous avons demandé aux valets de chiens si les chiens peuvent crier quand ils lèchent ; ils disent que cela est aussi impossible que de siffler la bouche pleine[1].

Comment va l’Enfant prodigue ? Vos amis sont-ils revenus de la critique de Fierenfat ? Un nom doit-il choquer ? et ignore-t-on que, dans Ménandre, Plaute et Térence, tous les noms annoncent les caractères, et qu’Harpagon signifie qui serre ? Mme Croupillac n’est-elle pas nécessaire à l’intrigue, puisque c’est elle qui apprend à l’Enfant prodigue toutes les nouvelles ? Et n’est-il pas plaisant et intéressant tout ensemble que cette Croupillac lui dise bonnement du mal de lui-même ?

Messieurs les critiques, j’en appelle au parterre. Adieu ; laissez-moi le droit de regimber, mais donnez-moi toujours cent coups d’aiguillon. Vale, te amo.

  1. Vers de la fabrique de M. de La Popelinière, corrigeant Voltaire. Voyez la lettre du 29 juin 1740.