Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 866
Je reçois votre lettre du 7 mai, Père Mersenne ; je vous dis qu’en sautant par-dessus ce qui est trop géométrique, vous entendrez très-bien mon petit newtonisme. Il n’est pas pour les dames[2]. Mais je suis sûr que le commentateur charmant ou charmante de Rameau l’entendra et le jugera.
M. Pitot avait été beaucoup plus content du système planétaire que de l’explication de la lumière ; mais si M. Nicolle[3] et M. Brémont[4] ne pensent pas de même, il faut les en croire, et préférer toujours celui qui critique à celui qui loue. Je persiste dans le dessein de faire imprimer l’ouvrage à Paris ; j’espère en obtenir la permission ; et si M. Nicolle veut bien avoir la bonté de mettre par écrit ce qu’il trouve à redire, il me rendra grand service : j’en instruirai le public, et je publierai ma reconnaissance.
Voici une petite addition pour le Journal des Savants. Jamais je n’ai rien dit de si vrai, ni de si bon gré ; je vous prie de le faire présenter au journal, et d’en faire beaucoup d’usage.
Je n’ai point encore vu mon livre. Tout le monde l’a, hors l’auteur et celle à qui il est dédié. Les libraires de Hollande sont, comme ceux de Paris, des ingrats ; je leur ai fait présent du manuscrit, et ils ne m’ont pas envoyé un exemplaire.
Souffrez, au moins, que je vous rembourse de ceux que vous achetez. Vous êtes charmant de diriger un peu ma nièce ; si vous la trouvez aimable, je l’aimerai bien d'avantage. Je vais lui écrire.
Non-seulement je ne suis point l’auteur des Èpîtres, mais je suis outré contre ceux qui me les attribuent ; et je regarde votre fermeté à repousser cette injure comme une des plus fortes preuves de votre amitié.
Mme la marquise du Châtelet vous fait bien des amitiés. Quand nous vous posséderons, nous vous parlerons à fond du prince et de nos vues sur vous : vivez seulement. Adieu. Je vous embrasse.