Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 849

Correspondance : année 1738GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 449-450).
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849. — À M. BERGER.
Cirey, avril.

Mme la marquise du Châtelet a renvoyé le livre que vous lui avez prêté. Il doit être chez l’abbé Moussinot. Après la honte de barbouiller de tels ouvrages, la plus grande est de les lire : aussi Mme du Châtelet l’a envoyé à Pacolet après en avoir vu deux pages.

Je puis vous dire, mon cher monsieur, que ces Épîtres[1] dont vous me parlez ne sont pas de moi, et vous me feriez une vraie peine si vous ne faisiez pas tous vos efforts pour désabuser le public. Je ne veux ni usurper la gloire des autres, ni me charger de leurs querelles. Je suis assez fâché qu’on m’ait osé imputer l’ennuyeuse et dix fois trop longue Réponse[2] aux Épîtres de Rousseau. Il est bien lâche à celui qui l’a osé faire de n’avoir osé l’avouer.

J’ai fait pis contre ce scélérat ; je l’ai convaincu de calomnie par la lettre de M. le duc d’Aremberg et par vingt autres preuves. J’ai parlé de lui, comme un honnête homme doit parler d’un monstre ; mais, en prononçant sa sentence, je l’ai signée de mon nom.

Je vous prie de me faire voir une ode[3] de l’ex-jésuite Gresset, qu’on dit être très-belle.

Je suis très-fâché que les Éléments de Newton paraissent. Les libraires se sont trop précipités. Il est assez plaisant que j’achète mon ouvrage. Je crois qu’il sera utile aux personnes qui ont du goût pour les sciences, qui cherchent la vérité, et qui n’ont pas le temps de la retrouver dans les sources. Ce qui me fâche, c’est que, outre mes fautes, il y en aura beaucoup de la part des éditeurs. Mandez-moi des nouvelles de mon livre.

Je vous prie de faire mes compliments à certain élève d’Apollon et de Minerve, nommé La Bruère. C’est un des jeunes gens de Paris dont j’ai la meilleure opinion. Il devrait m’envoyer sa tragédie. Je lui garderais une fidélité inviolable.

Je vous embrasse.

  1. Les Épîtres sur le bonheur. J.-B. Rousseau n’avait pas été oublié dans la troisième, qui traite de l’Envie.
  2. Voyez les lettres 637, 643, 651,654 où cette Réponse est citée.
  3. Sur l’Amour de la patrie.