Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 833

Correspondance : année 1738GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 421-422).
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833. — À M. THIERIOT[1].
Cirey, 22 février 1738.

J’ai reçu, mon cher ami, votre lettre et les paquets de Berlin. Notre prince, en vérité, est plus adorable que jamais. J’aurais bien des choses à vous dire de lui, et je voudrais bien lui avoir l’obligation de vous attirer à Cirey. Ma foi, j’ai envie de lui demander qu’il envoie à Mme du Châtelet un second ambassadeur, et que cet ambassadeur soit vous.

Je ne reçois point de nouvelles de mes nièces : les noces les occupent. Je pourrais me plaindre que la Mignot[2] ait préféré l’abominable séjour de Landau à notre vallée de Tempé ; mais vous savez que je veux qu’elle soit heureuse à sa façon, et non à la mienne.

Je n’ai point vu la Gressade[3], ni l’Amour-propre de Delille[4] ; je les ferai venir si vous les jugez dignes des regards d’Émilie. J’écris pour avoir ce recueil de Ferrand dont vous me parlez ; mais je vous avoue que je suis toujours dans des transes que ces maudits livres ne troublent mon repos. Je pardonne aux Almanachs du Diable[5], mais je crains la calomnie ; je crains qu’on ne m’impute des vers de l’abbé de Chaulieu, qu’on a déjà mis sur mon compte[6].

Je vous demande en grâce, mon cher ami, de me mander sur-le-champ ce que vous savez de ce livre, s’il fait du bruit, s’il y a quelque chose à craindre des calomnies du monde que vous habitez. Je vous prie de ne pas perdre un instant, et de me tirer de l’inquiétude où cette nouvelle m’a mis. Écrivez-moi souvent, je vous en prie : vos lettres ajoutent toujours à mon bonheur. Adieu. Ne vous verra-t-on jamais ?

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Cette nièce épousa M. Denis le 25 février 1738.
  3. Ode de Gresset sur l’Amour de la patrie.
  4. Poëme de Delille de La Drevetière.
  5. Par Quesnel.
  6. Sans doute les Épîtres sur le Bonheur.