Correspondance de Voltaire/1737/Lettre 757

Correspondance : année 1737GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 275-277).
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757. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Lundi 10 juin (1737).

En réponse à votre lettre du 7 juin, mon cher ami, je commence par vous dire que si vous avez, suivant ma dernière, fait vendre une action, vous avez très-bien fait. Si vous ne l’avez pas vendue, vous avez très-bien fait encore.

Si vous voulez, au lieu de vendre une action, recevoir trente-deux louis de la part de madame la marquise par les mains de M. Bronod ou de son premier clerc, vous pourrez les avoir, sitôt la présente reçue. Je suis fâché de toutes les peines que je vous donne, mais n’épargnez ni les carrosses, ni les commissionnaires, et faites toujours bien à votre aise les affaires de votre ami.

Je sais bien qu’il en coûterait moins de commander en détail ce joli nécessaire à plusieurs ouvriers ; mais il en serait moins beau, vous auriez une peine extrême, et la chose ne serait pas sitôt faite. Hébert est cher, mais il a du goût, et il faut payer son goût. Donnez-lui donc les douze cents livres au nom de Mme  la marquise du Châtelet, et assurez-le bien positivement que le tout sera exactement payé à l’instant de la délivrance, et que, s’il veut encore cinquante autres louis d’avance, il les aura.

Quant à l’affaire de Bouillé-Ménard, j’ai dit mes raisons ; je les soumets aux vôtres, et, ce qui est bien sûr, c’est qu’après avoir représenté mon droit, tel que je crois l’avoir, j’en passerai par tout ce qu’on voudra, et je ne ferai aucune difficulté.

À l’égard des quatre verres concaves, il les faut de verre ; il faut qu’ils aient le même foyer. L’usage qu’on en veut faire est d’essayer si les quatre miroirs, avec un cinquième qu’on a disposé en demi-cercle, et ayant par ce moyen un foyer commun, pourront briller comme le plus grand verre ardent. Imaginez ces cinq mirors concaves ainsi disposés :

Figure géométrique dans la lettre 757 des œuvres de Voltaire, Edition Garnier 1880
Figure géométrique dans la lettre 757 des œuvres de Voltaire, Edition Garnier 1880

AAAAA sont les miroirs qui doivent réfléchir, renvoyer les rayons du soleil vers le foyer BB, et brûler le bois CC à ce foyer. Vous pouvez consulter cette expérience de physique avec votre homme.

Je vous réitère mes petites prières au sujet de la propagation du feu.

Si Lebrun apporte deux livrets (livres ? ) de plomb battu, il apportera donc aussi l’arme campagnarde avec les deux fusils.

Il me paraît, comme à vous, que l’avocat Robert ne sait pas trop son compte, ou ne veut pas le savoir. Je ne peux concevoir qu’il ait avancé de l’argent pour moi. Il me semble qu’il en a toujours demandé à mesure ; il me semble que vous lui avez donné soixante-douze (livres) qui n’étaient point un remboursement. Vous saurez aisément ce qui en est, parce que vous avez l’exactitude de tout écrire. Je vous renvoie un mémoire qu’il a donné, et le résultat de tout ceci est que, s’il est vrai qu’il n’ait reçu aucune récompense, il faut lui faire un présent de cinquante livres ou de deux louis.

Adieu, mon cher abbé. Pourquoi donc Lemoine s’est-il tué ? Est-ce qu’on commençait à blâmer son salon ?

Si vous avez la bonté de passer chez Hébert ou d’y envoyer, vous êtes prié de lui recommander la plus prompte diligence.

(De l’écriture de l’abbé Monssinot.) J’ai consulté avec la personne votre projet d’expérience, et elle dit que la réflexion des rayons du soleil se porte toute au centre d’un grand miroir, et que, dans les cinq petits, ces ravons ne peuvent se rassembler de même. Les points d’incident (incidence) pourront bien se rassembler à un même concours, ce qui ne fera pas le même effet du grand miroir. Il est d’avis par conséquent que pour faire votre expérience il faudrait que les cinq miroirs fussent de ( ? ) foyers, et me marquer de quel foyer est celui que vous avez déjà. À l’égard des quatre à fournir, on les fera de tel foyer que vous jugerez à propos. Et mandez dans quoi vous les voulez monter, ou si vous les voulez tous nus.

  1. Édition Courtat.