Correspondance de Voltaire/1737/Lettre 716

Correspondance : année 1737GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 209-210).
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716. — À M. LE MARQUIS D’ARGENS.
À Leyde, ce 2 février.

Je crois, mon cher Isaac, que tous ferez trente volumes de Lettres juives. Continuez ; c’est un ouvrage charmant ; plus vous irez en avant, plus il aura du débit et de la réputation.

Si le Mondain paraissait dans ces lettres, il faudrait, au lieu de ce vers :

En secouant madame Ève, ma mère[1],

mettre :

En tourmentant madame Ève, ma mère[2] ;

mais je crois, toutes réflexions faites, qu’il vaut mieux que le Mondain ne paraisse pas.

Pour la lettre sur la Politesse, je vous conseille toujours de venger les Suisses et les Hollandais des attaques de l’ennemi commun. En nous moquant un peu des Espagnols, il est bon d’avoir tout d’un coup deux nations dans son parti. Je vous exhorte à rendre cette lettre digne de vous.

Vous avez terriblement malmené le don Quichotte de l’Espagne[3] ; vous êtes plus dangereux pour lui que des moulins à foulon. Vous faites bien de lui apprendre à nous respecter.

Je suis ici à Leyde ; je reviens toujours à mon S’Gravesande ; mais, si mon goût décidait de ma conduite, ce serait chez vous que j’irais. Je ne me hâte de finir mes affaires avec Newton que pour venir plus tôt vous embrasser.

Je ne sais rien de ce misérable Almanach[4]. C’est un libelle généralement méprisé.

  1. Ce vers est dans les variantes du Mondain.
  2. Le vers 49 est resté ainsi corrigé :
    Caressais-tu madame Eve, ma mère ?
  3. Bruzen La Martinière, qui, dans une lettre insérée au tome XXIII de la Bibliothèque française, page 290 et suivantes, avait relevé grossiérement ce que d’Argens avait dit de l´Espagne dans les 102. 106 et 107e de ses Lettres juives. (B.)
  4. Almanach du Diable : voyez la note de la lettre 714.