Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 685

Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 169-170).
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685. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
24 (novembre 1736).

Je suis depuis huit jours sur le point de partir à chaque moment pour aller trouver le prince de Prusse, qui m’a fait l’honneur de m’écrire souvent pour m’inviter d’aller à sa cour passer quelque temps.

Suspendons tout projet de tapisserie jusqu’à nouvel ordre, et que M. Oudry ne fasse rien, sans un plus amplement informé. Faites-lui, je vous prie, mille compliments de ma part. Vraiment je suis bien éloigné pour le présent d’acheter des tableaux.

Que veut dire l’article de votre lettre : « J’ai neuf louis, je vous en dois bien vingt-cinq, outre trois cents livres que je vais prêter pour vous ? » Cela veut-il dire que vous me devez vingt-cinq louis, et outre cela trois cents livres ? Cela veut-il dire qu’ayant emprunté vingt-cinq louis de mon argent, vous m’en rendez trois cents livres pour prêter au sieur de Mouhy ? Ou bien enfin qu’il vous a été remboursé par Pinga ou autres trois cents livres pour mon compte, lesquelles trois cents livres vous prêterez à M. de Mouhy ? Expliquez-moi cette petite équivoque.

À l’égard du tapis, il faudrait tâcher qu’il fût à peu près de onze sur onze pieds, ou de dix sur onze, ou de onze sur douze. Si on peut le couper et l’ajuster, comme vous dites, envoyez-le toujours à Cirey, avec les boucles bien brillanles et le canif.

Je reviens aux tapisseries de la Henriade. Trente-cinq mille livres, c’est beaucoup. Il faudrait savoir ce que la tapisserie de Don Quichote a été vendue. D’ailleurs je ne veux point qu’on suive les estampes : il faut d’autres dessins. Il faudrait surtout que M. de Riclielieu me payât mes cinquante mille livres, avant de songer à commencer.

Adieu, mon cher ami, je vous embrasse tendrement. Souvenez-vous des dix-huit livres pour d’Arnaud, et de ne prêter les trois cents livres que sur de bons billets. Dites au petit d’Arnaud que je suis malade, et ne peux écrire.

On m’apporte dans le moment un tapis de Chaumont. C’est mon affaire tout juste. Ainsi vous voilà délivré de cette charge.

Mais, au lieu de ce tapis, je vous prie d’envoyer quelqu’un chez un parfumeur nommé Provost, au Signe des parfums, rue Saint-Antoine. Qu’on achète chez lui un énorme pot de pâte, telle qu’il en fournit à Mme la marquise du Châtelet. Mais, au nom de Dieu, qu’on n’aille point ailleurs que chez ce Provost !

Pâte, boucles, feront un petit paquet pour Bar-sur-Aube, et point de tapis. Ayez la bonté d’y ajouter le Traite de la pesanteur du père Castel, qui se vend chez Caillau, rue Saint-Jacques.

Vous avez vu ou vous verrez le sieur chevalier de Mouhy. Vous lui avez donné ou donnerez trois cents livres, mais uniquement sur le billet de Dupuis, et promettrez trois cents autres livres incessamment. Vous lui direz, je vous supplie, qu’il envoie les petites nouvelles à Cirey deux fois par semaine, avec promesse de payement tous les mois ou tous les trois mois. Recommandez-lui d’être infiniment secret dans son commerce avec moi.

Dites-lui qu’il envoie chez vous toutes les lettres qu’il m’écrira, et qu’il peut écrire en toute liberté. Vous m’enverrez ces lettres sous le couvert de Mme Faveroles à Bar-sur-Aube : voilà dorénavant mon adresse.

Je vous embrasse tendrement.

Un petit mot encore : si on pouvait vendre ces deux Marot, qui m’ont coûté cent écus ! À l’égard de la pendule, M. Berger vous la doit rendre, et vous vous en déferez avec quelque ami pour de l’argent.

Pardon de toutes ces guenilles. Je suis un bavard bien importun ; mais je vous aime de tout mon cœur. Réponse sur tout cela à la dame de Faveroles.

  1. Édition Courtat.